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XXIIIè dimanche du T.O – 5 septembre 2021

Frères et Sœurs,

Dimanche dernier l’évangile nous relatait une controverse entre Jésus… les scribes… et les pharisiens… à propos de ce qui est pur et de ce qui est impur ! Immédiatement après cette dispute, l’évangile de Marc poursuit son récit en conduisant Jésus, hors d’Israël : Tyr et Sidon, tout comme les villes de la Décapole, étaient considérées comme des régions à majorité païenne. Dans ces territoires habités principalement par des païens, Jésus va faire un certain nombre de guérisons et de miracles… il n’est plus question de savoir où se trouve la frontière entre les croyants et les incroyants, car rappelez-vous, les propos de Jésus : « Ce qui est impur, ce n’est pas ce qui vient du dehors, mais c’est ce qui vient du cœur de l’homme ».  Ainsi sera manifesté que les frontières de la mission du Christ et de l’amour de Dieu, dépassent les clivages historiques et les limites du seul peuple élu…

C’est par la guérison du sourd-muet, comme plus tard la guérison de la fille de la syro-phénicienne, que l’évangile de Marc nous montre, comment progressivement, la mission du Christ veut s’étendre au-delà des frontières d’Israël, dans ces territoires où sont fortement présentes, toutes sortes de religions païennes, en particulier ce territoire de la Décapole. Ce n’est pas tant la géographie qui nous intéresse, que de nous faire comprendre que Jésus n’était pas envoyé seulement aux brebis perdues de la maison d’Israël, mais aussi au-delà des frontières du peuple élu… à toute l’humanité.

C’est ainsi que progressivement, la dimension universelle de la mission du Christ, qui assume la vocation universelle du peuple élu, prend sa figure et se dévoile aux yeux de ses disciples, et des communautés qui vont faire mémoire de la vie et de la mission de Jésus, et par conséquent à nous qui entendons cet évangile ce dimanche.

Par ce signe, par cette guérison, Jésus fait donc apparaître de façon concrète… comment tout homme, qu’il soit Juif ou qu’il soit Grec pour prendre la double expression du Nouveau Testament, va pouvoir entendre la parole de Dieu. Évidemment, il ne l’entendra pas de la même façon, il n’aura pas les mêmes clefs d’interprétation, les mêmes manières de la comprendre, mais il entendra cette parole et il pourra la transmettre.

Le prophète d’Isaïe, dans la 1ère lecture, nous fait comprendre aussi, comment ce signe de la guérison d’un sourd-muet, exprime l’accomplissement d’une promesse messianique déjà présente dans le discours prophétique. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement… que Dieu accomplit sa promesse… une promesse de salut pour TOUS. Le geste de la guérison, posé par Jésus est interprété de manière différente, par les païens, témoins de la scène ! Tous ne comprennent pas le signe prophétique, mais y voient seulement une occasion de stupéfaction, et d’émerveillement, sans comprendre toute la portée symbolique du miracle. Cependant, pour les Juifs, c’est un signe messianique qui va nourrir la controverse au sujet de la mission et de l’identité de Jésus.

Et nous, ici ce matin, nous qui nous avons reçu par le baptême et la tradition de l’Église le moyen de comprendre les gestes du Christ dans toute leur profondeur… que comprenons-nous vraiment de cette guérison ???  « Il fait entendre les sourds », c’est-à-dire qu’il permet à tous ceux qu’il touche d’accueillir la parole de Dieu. « Il fait parler les muets », c’est-à-dire qu’il leur donne en même temps la possibilité d’annoncer les merveilles de son action. Aujourd’hui, à travers nos sociétés multiculturelles et multi-religieuses, dans un monde assez païens, nous sommes mêlés à toutes sortes de traditions, de croyances, et il est bon d’avoir présent à l’Esprit que le don qui nous a été fait par la foi, n’est pas simplement un trésor et une ressource, que l’on doit garder pour soi, timidement, ni même pour l’Église comme corps des disciples du Christ. C’est un bien commun de l’humanité. Notre mission est  donc de l’annoncer et de le partager. Mais de même que nous voyons dans l’évangile de Marc, que cette annonce de la Bonne nouvelle aux païens, ne commence pas par la parole, mais par des signes, le témoignage que nous devons rendre au Christ, dans notre société, parmi cette foule qui nous entourent et qui est si loin de la foi… cette annonce de la Bonne nouvelle n’est pas d’abord de l’ordre du discours, mais de l’ordre de la vie transformée, de la vie nouvelle que nous sommes appelés à mener par la grâce de Dieu… C’est aux signes que nous donnons que les hommes et les femmes qui nous entourent pourront être frappés et émerveillés. C’est de cette manière que nous pouvons concrétiser, aujourd’hui, les signes messianiques à travers notre présence et notre action auprès de ceux qui nous sont les plus proches, dans nos familles, notre travail, nos activités quotidiennes, mais qui sont aussi parfois les plus loin de la foi !

La Lettre de S.Jacques, dans la 2ème lecture, attire ainsi l’attention sur le risque, que couraient les membres de la communauté de faire des différences entre les membres de la communauté en fonction de leur rang social ou de leur richesse. Plus largement, cette parole de Jacques nous invite à porter un regard renouvelé sur celles et ceux qui nous entourent, non pas en fonction des critères de jugement politique, économique ou culturel, mais tout simplement en fonction des critères de jugement humain. Étant de la même condition, issus de la même volonté de Dieu, appelés à la même vocation de constituer un peuple saint rassemblé à la fin des temps, nous sommes invités à regarder nos frères et nos sœurs, non pas comme des concurrents ou de dangereux agresseurs, mais d’abord comme des semblables auxquels le Christ nous envoie.

C’est pourquoi, cette mission que l’Église essaye d’accomplir comme elle peut, avec les moyens dont elle dispose… nous en sommes tous dépositaires, et nous y sommes tous appelés. Lorsque Jésus guérit cet homme, sourd et muet, ne veut-il pas aussi guérir nos surdités et nos mutismes, tout ce qui nous isole, nous enferme et nous empêche d’établir de vraies relations avec les autres.

Il n’est guère évident, ni pour vous ni pour moi, de reconnaître que cet homme, ce peut être chacun de nous. Celui qui est sourd, handicapé, ce n’est pas d’abord l’autre… les autres, mais c’est bien moi. Accepter d’entendre pour moi cette parole : « ouvre-toi ! » suppose que nous prenions enfin conscience que le premier destinataire de l’évangile, c’est moi. Parce que nous sommes trop souvent enfermés dans nos fonctionnements quotidiens, dans nos habitudes si bien enracinées, dans nos certitudes tellement ancrées dans notre histoire, que nous ne sommes plus en mesure d’accueillir ce qui vient de l’extérieur.

Parce que l’image de Dieu en l’homme était déformée, obscurcie par le péché d’orgueil, Jésus nous invite aujourd’hui à nous ouvrir aux hommes en nous ouvrant à Dieu.

Frères et sœurs, nos efforts pour être meilleurs seront vains si nous ne laissons pas Jésus habiter notre existence, atteindre le plus profond de notre être, toucher le profond de notre cœur. Notre plus grand défi, c’est de laisser la grâce de Dieu nous toucher, sans opposer d’obstacle. Sans l’action de cette grâce, nous resterons avec nos réflexes humains, notre manière de penser qui nous pousse sans cesse à nous justifier, à nous protéger, à nous cacher. Voilà bien le défi qui est nous proposé à la fin de cet été : « ouvre-toi ! Effata ! ». Que chacun de nous écoute résonner cette parole pour lui-même, sans lui opposer le moindre obstacle : « Ouvre-toi ! » pour que l’Esprit du Seigneur puisse enfin se frayer un chemin !