Écrit par

XXIIè dimanche du T.O – 29 août 2021

Chers frères et sœurs, nous venons d’entendre trois exhortations. D’abord celle de Moïse s’adressant au peuple, celle de Jésus à la foule puis aux disciples, et celle de Jacques dans la fidélité à l’enseignement et au commandement de Jésus. Trois exhortations qui nous recommandent de mettre en pratique la Parole de Dieu, une Parole qui est commandement, une Parole semée en nous, une Parole révélée en la personne de Jésus Christ.

La Parole de Dieu et sa mise en pratique sont associés et indissociables, comme le révèle pleinement l’Incarnation. La Parole de Dieu demande l’action car elle est créatrice et séparer la pratique de la Parole de Dieu entraine condamnation et jugement. C’est comme séparer en Jésus, Parole incarnée, sa nature divine et sa nature humaine. Pour le croyant disposé à la réalisation de la Parole de Dieu, celle-ci l’investit entièrement, profondément, pour devenir sa vie même, son existence, sa respiration. La pratique de la Parole engage alors le croyant au milieu du monde à mener une vie religieuse à la suite du Christ, une vie religieuse qui se réalise dans des rites et dans une morale, un comportement religieux pur et sans souillure qui est une vie de charité : « visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde » écrit Jacques.

La Parole de Dieu est commandement et demande l’obéissance. Non pas une obéissance servile. Notons que c’est durant l’événement fondateur de l’Exode, pendant ce chemin de libération menant les hébreux jusqu’à la Terre promise, que Moïse reçoit les commandements. L’obéissance aux commandements est alors le moyen pour devenir libre, une liberté de Dieu, d’un Dieu si proche que je ne reçois la vie que de Lui. Par l’obéissance aux commandements, l’homme est comme modelé progressivement pour devenir ou redevenir un homme libre. Le commandement divin modèle l’homme, comme au jour de création où « Dieu modela l’homme avec la poussière du sol ». Le commandement divin a de particulier qu’il pénètre si profondément le cœur de l’homme obéissant qu’il devient pour cet homme sa sagesse et son intelligence. C’est ainsi que Moïse dit : « Vous garderez les commandements du Seigneur, vous les mettrez en pratique ; Ils seront votre sagesse et votre intelligence ». Rien à voir donc avec les commandements de Pharaon, rien à voir avec les exigences rituelles pour satisfaire les idoles, l’obéissance à Pharaon et aux idoles ne pénètre pas le cœur de l’homme, elle le blesse, elle l’humilie, elle le réduit à sa condition d’homme pécheurs. Cette obéissance idolâtre trouvera d’une manière extrême une représentation dans l’expression démoniaque de la foule haineuse et vociférant sur la via dolorosa au passage du Christ allant à sa Passion. Ce moment extrême de la Passion est justement le moment où s’affrontent deux obéissances possibles : une obéissance destructrice et une obéissance créatrice, une démoniaque et une divine, d’un côté l’obéissance autocentrée des hommes, de l’autre l’obéissance du Fils au Père dans la force de l’Esprit, dans le don de lui-même. Mais avant ce moment de la Passion, où l’obéissance idolâtre et ténébreuse se dénonce elle-même par sa violence désordonnée au passage de l’obéissance volontaire et lumineuse du Christ, avant ce moment de la Passion, Jésus montre déjà la contradiction d’un comportement faussement religieux : « Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ». Et, Jésus poursuit en disant à ses disciples : « c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses ». L’obéissance autocentrée, qui vient du dedans, qui est soumission à mes désirs, à mes idoles conduit à la perversité. La perversité divise, désordonne, trouble les relations, enferme dans le mensonge et entraine jusqu’à la perversion de rite religieux autrefois justes et sincères. Une perversité qui est le signe d’un non-ajustement à Dieu, d’une focalisation sur mes désirs, mes idoles. Ce n’est plus la perfection qui vient de Dieu que je recherche mais ma propre satisfaction. Tandis que l’obéissance au commandement de Dieu régénère le cœur de l’homme en le purifiant pour rétablir en lui l’image de Dieu. Une image révélée en Jésus Christ, lui, l’obéissant parfait. Les commandements sont donc une recréation : comme sagesse et intelligence, ils conduisent à la vie d’union à Dieu, ils orientent ma vie selon une dynamique du don, tout en rétablissant l’unité de mon cœur, de mes pensées et de mes lèvres; comme sagesse et intelligence, les commandements de Dieu nous disposent à l’Esprit créateur de Dieu qui nous rassemble en un peuple, le corps mystique du Christ, l’Église.

Est-ce que j’obéis à la tradition des hommes ou à la sagesse et à l’intelligence des commandements de Dieu ? C’est souvent lors d’un événement soudain, devant des choix inattendus à poser, que nous pouvons voir avec plus de clairvoyance selon quelle obéissance nous agissons. Je pense ici à une expérience récente, celle de l’interdiction de se réunir pour célébrer l’eucharistie. J’ai été émerveillé par ceux d’entre vous qui ont alors aménagé un lieu de prière dans leur maison, qui ont continué à prier le dimanche en lisant la Parole. En agissant ainsi vous n’avez pas remplacé le rdv de la messe et vous n’avez pas non plus relativisé son importance, sa nécessité. Bien au contraire, en agissant ainsi, vous obéissiez à la sagesse et à l’intelligence des commandements. Car en agissant ainsi ce que vous faisiez n’étaient rien d’autre que le prolongement des eucharisties célébrés, n’étaient rien d’autre que l’anticipation des eucharisties à venir. C’est avec sagesse et intelligence que vous agissiez, une sagesse et une intelligence devenu une manière d’être. Aujourd’hui, nous pouvons nous retrouver pour célébrer l’Eucharistie, célébrons avec cette sagesse et cette intelligence dont vous aviez su témoigner par vos liturgies domestiques. Une sagesse et une intelligence qui incorpore au Christ et fait de nous un peuple, l’Église. Une sagesse et une intelligence du commandement qui fait de toute vie une liturgie, qui fait de nos vies, prémices de toutes créatures, une seule et même Eucharistie. Amen.