Chanoines réguliers de Prémontré
28
Mars
Jeudi Saint - Messe in Cena Domini
Écrit par f. Maximilien

XIIIè Dimanche du temps ordinaire – 27 juin 2021

Aujourd’hui, il est question de vie et de mort. Une jeune fille s’est endormie dans la mort, et Jésus, l’auteur de la vie, la réveille ; une femme perd sans discontinuer du sang, c’est-à-dire sa vie[1], et Jésus, l’auteur de la vie, la guérit. Une jeune fille morte et une femme encore vivante et déjà morte… Et Jésus, l’auteur de la vie, fait fuir la mort et jaillir la vie. Cet Évangile est un chant de vie ! Or, la première lecture du livre de la Sagesse préparait déjà nos cœurs à recevoir cette page d’Évangile comme une ode à la vie. Écoutez encore : « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». Cette sentence est à mon sens prophétique : elle annonce le Christ. Et de cela découle qu’elle parle de l’homme et du monde. Voilà une phrase de la parole de Dieu à retenir pour discerner et vivre une véritable écologie chrétienne.

Tout d’abord, comme tout texte de l’Ancien Testament, la phrase « ce qui naît dans le monde est porteur de vie » se rapporte au Christ. Elle annonce sa venue. Dieu fait homme, né de la Vierge Marie, en tout point semblable aux hommes à l’exception du péché, le Christ est Chemin, Vérité et Vie[2]. Par sa mort, il a tué la mort et en ressuscitant, il a rendu la vie à ceux qui gisaient dans les tombeaux[3]. Dès qu’il est question de la vie, d’annoncer l’Évangile de la vie, la référence des chrétiens doit être le Christ Seigneur qui rend la vie, le Christ ressuscité, le Christ vainqueur de la mort.

Parce que Dieu s’est fait homme en Jésus, alors la phrase prophétique du livre de la Sagesse se rapporte aussi à l’homme. « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie » est l’une des plus belles paroles bibliques disant la grandeur de l’homme, seule créature que Dieu a voulue pour elle-même, seule créature créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et cette parole de Dieu me bouscule. « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». En est-il de même pour vous ? Malgré mes beaux discours sur l’inaliénable dignité de la vie humaine, ne m’arrive-t-il pas, souvent malgré moi, d’entrer en compromission avec les idées mortifères de notre monde ? Nous ne sommes pas insensibles à l’ambiance du monde. Alors, aujourd’hui, je décide de me laisser brûler au feu de la Parole de Dieu, plus tranchante qu’un glaive. Ai-je parfois tendu une oreille vers les sirènes qui sifflaient insidieusement que s’abstenir d’accueillir un enfant était une action de belle écologie ? Mais non ! « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». N’ai-je pas laissé les beaux parleurs anesthésier ma capacité de réflexion et n’ai-je jamais pensé qu’« endormir jusqu’au bout » une personne malade ou âgée était un geste d’amour ? Mais non ! « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». Malgré mes justes combats pour le respect de la vie depuis sa conception jusqu’à sa mort, ne me suis-je pas trop habitué aux terribles nouvelles des malheurs pour ceux qui meurent en Méditerranée ? N’ai-je pas fait taire trop tôt cette sainte colère face à la situation des exilés ou des pauvres ? Pourtant, « ce qui naît dans le monde est porteur de vie. » Vous comprenez, chers frères et sœurs, que la méditation de la Parole de Dieu de ce jour m’a bousculé. Il ne s’agit pas pour moi de faire ici une leçon de morale. Si mes interrogations vous interpellent, si d’autres vous viennent au cœur et à l’esprit, n’oubliez pas : « ce qui naît dans le monde est porteur de vie ».

En troisième lieu, cette phrase du livre de la Sagesse nous ouvre aussi à renouveler notre approche du monde. Dans l’encyclique Laudato Si, le pape François invite à faire ce lien : « Quand on ne reconnaît pas, dans la réalité même, la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne vivant une situation de handicap – pour prendre seulement quelques exemples – on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même. Tout est lié[4]. » Partir du Christ et avoir une parole forte sur l’homme conduit nécessairement à repenser notre rapport au monde. « Ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». Qu’est-ce que cela veut dire ? « Chaque créature possède sa bonté et sa perfection propres […]. Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses[5]. » Dans le plan de l’amour de Dieu, « chaque créature a une valeur et une signification[6] ». Elle est un don de Dieu confiée à l’homme. « Cela ne signifie pas que tous les êtres vivants sont égaux ni ne retire à l’être humain sa valeur particulière[7] », mais, au contraire, cela le pousse à une exercer une grande responsabilité, au service de l’Évangile de la vie.

Chers frères et sœurs en Christ. L’écoute de la Parole de Dieu à chaque eucharistie ne peut pas être passive. Elle doit nous pousser à nous convertir vraiment. Si elle ne nous bouscule pas, alors nous sommes des chrétiens tièdes et d’insipides pratiquants. Alors, au diable la tiédeur et l’insipidité ! Venons brûler au feu de la Parole de Dieu ! Approchons-nous de la table eucharistique pour devenir sel de la terre ! Brûlés au feu de la Parole et nourris de l’eucharistie, nous serons alors porteurs du beau message évangélique : le Christ est l’auteur de la vie et « ce qui naît dans le monde est porteur de vie ». Soyons porteurs de vie, porteurs du Christ, à qui soit la gloire pour l’éternité.  


[1] Cf. Lévitique 17, 14 : « La vie de tout être de chair est dans son sang ».

[2] Cf. Homélie du pape Paul VI à Manille en 1970, proposé dans l’office des lectures de ce jour.

[3] Cf. Tropaire pascal des Églises byzantines.

[4] François, Laudato Si, 2015, n°117.

[5] Catéchisme de l’Église Catholique, n°339 – cité par François, Laudato Si, n°69.

[6] François, Laudato Si, n°76.

[7] François, Laudato Si, n°90.