Écrit par f. Norbert

Vè dimanche de Pâques – 2 mai 2021

Jésus aime les images : dimanche dernier, il se présentait à ses disciples en leur disant : « Moi, je suis le bon pasteur » (Jn 10, 11), voici qu’aujourd’hui, il se présente à eux sous un autre jour : « Moi, je suis la vraie vigne », leur dit-il (Jn 15, 1). 

À partir de là, tout un discours est déroulé : 

  • Jésus est la vigne ; 
  • Son Père est le vigneron ; 
  • Un sarment porte du fruit s’il est relié à la vigne, s’il demeure fixé sur elle, sans quoi il se dessèche et ne fournit plus de raisin ; 
  • Logiquement, il en va de même pour le disciple : pour porter du fruit, il doit demeurer en Jésus ; s’il ne demeure pas en Jésus, il va se dessécher. 

L’évangile de ce dimanche nous donne ainsi un grand secret, il nous apporte une grande promesse : celle de la fécondité. Si nous voulons porter du fruit, alors nous devons demeurer en Jésus, nous devons garder précieusement sa parole, c’est la condition de notre fécondité. Et cette parole que Jésus nous invite instamment à garder, c’est celle que nous avons entendue dans la deuxième lecture : « Voici le commandement de Dieu : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus-Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. » C’est donc un dispositif à deux étages : 

  • Croire que Jésus est le Fils que le Père envoie pour que les hommes soient sauvés ; 
  • Aimer nos frères.

Pour saint Jean, l’un ne va jamais sans l’autre : nous devons nous aimer les uns les autres comme Dieu nous a aimés. Autrement dit, c’est parce que Dieu nous a aimés dans le Fils jusqu’à la croix que nous vivons dès maintenant la charité, qui imprègne et transforme toutes nos relations. Ici, nous devons préciser la promesse de cet évangile : elle est promesse de fécondité, certes, mais elle est aussi en même temps mystère de l’Église, car c’est la communion des sarments sur la vigne qui assure la fécondité du cep. Un sarment seul n’a jamais rempli une hotte de raisin, et encore moins une bouteille de vin ! C’est la fructification commune des sarments qui permet que le délicieux breuvage coule ensuite à flots. 

Alors, qu’est devenu notre enracinement sur la vigne ? Qu’avons-nous fait de la fécondité promise ? N’aurions-nous pas été un peu tentés parfois de faire bande à part ? N’aurions-nous pas pensé juste une fois que les fruits sont si beaux, si juteux et si doux qu’il vaudrait mieux les garder pour nous-mêmes, parce qu’après tout c’est nous qui les avons portés ? La vigne, c’est l’antidote à l’individualisme, car le fruit naît si  et seulement si le sarment est fermement fixé à la vigne, de laquelle il reçoit sa fécondité. C’est la même chose pour nous : notre vie chrétienne porte des fruits si et seulement si nous demeurons en Jésus, de qui nous recevons la fécondité. Pas d’individualisme, donc, mais une vie d’Église, une fructification ecclésiale, une récolte ecclésiale, une vendange ecclésiale. La pandémie que nous traversons nous isole les uns des autres, les gestes barrière et la distanciation – qui sont évidemment nécessaires – ne doivent cependant pas nous inciter à nous couper de la vigne, car alors le sarment que nous sommes sèchera et nous manquerons aussi à la vigne, parce qu’elle portera moins de fruit. Le bien du sarment est celui de la vigne, comme le bien de la vigne est celui du sarment. La pandémie actuelle, qui nous rappelle que ce qui affecte l’un des sarments affecte aussi très souvent les autres sarments, doit au contraire être l’opportunité d’une communion plus intense à la vigne, pour qu’après cet hiver sanitaire interminable, l’été qui suivra soit le meilleur cru du siècle.

L’évangile de ce dimanche nous donne encore une autre piste, pour que nous préparions de belles et abondantes vendanges : la fructification, c’est l’œuvre de l’Esprit saint. Si nous demeurons sur la vigne, nous nous trouvons entre les mains du vigneron qui veille sur sa plante. Ainsi, si nous demeurons dans le Fils, le Père nous taillera et nous émondera, il nous travaillera pour que nous portions un fruit plus abondant. Mais remarquons aussi que la sève coulera en nous ; l’Esprit du Père et du Fils circulera en nous. Nous l’avons entendu à la toute fin de la première lecture : « L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie (…) ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait » (Ac 9, 31). Nous l’avons entendu à la toute fin de la deuxième lecture : « Nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit » (1 Jn 3, 24). La promesse de la fécondité naît de la promesse de l’Esprit, car c’est l’Esprit qui donne la vie. Cet Esprit promis par Jésus, nous l’espérons, et nous croyons qu’il nous l’enverra. C’est pourquoi nous nous tournons déjà vers la Pentecôte, au jour de son effusion.

Tout à l’heure, sur cet autel, le fruit de la vigne sera offert. Tout à l’heure, nous communierons au Corps et au Sang du Christ, offert pour la vie du monde. Puissions-nous redécouvrir notre attachement à la vigne, pour une nouvelle fécondité. Une fécondité personnelle, une fécondité ecclésiale. Une fécondité personnelle parce qu’ecclésiale.