Ascension du Seigneur – 13 mai 2021
Le Seigneur travaillait avec les apôtres. Nous venons de l’entendre. Littéralement le Christ et les apôtres étaient en synergie. Qu’est-ce que la synergie ? L’encyclopédie la définit ainsi : « La synergie est un type de phénomène par lequel plusieurs facteurs agissant en commun ensemble créent un effet global bien meilleur que tout ce qui aurait pu se produire s’ils avaient opéré isolément, que ce soit chacun de son côté ou tous réunis mais œuvrant indépendamment. » Voici donc le fruit de la fête que nous célébrons aujourd’hui. Depuis 40 jours, nous fêtons la Résurrection du Christ et nous avons relu, dans le Nouveau Testament, les différents récits qui parlent des apparitions de Jésus vivant à ses disciples. Et aujourd’hui, fête de l’Ascension, il est question non plus d’apparition mais d’une disparition du Christ. Saint Luc, dans les Actes des Apôtres, la 1ère lecture, parle en ces termes : « tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. ». Et saint Marc, dans l’Evangile dit de même : « le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel ». Cette disparition du Christ vient-elle contredire toutes ces apparitions, s’agit-il d’un phénomène inverse, ou même d’une forme de mythologie, à l’instar de ces divinités antiques qui viennent faire un tour sur la terre puis s’en retournent dans leur monde ? Avouons qu’il n’est pas facile de comprendre le sens de cette fête de l’Ascension et son importance pour nous. Qu’est-ce que Dieu nous fait connaître de lui-même aujourd’hui, qu’est-ce qu’il attend de nous ? Essayons de répondre à ces deux questions.
Et tout d’abord, que Dieu veut-il montrer, manifester de lui, dans l’événement de l’Ascension où le Christ ressuscité disparaît aux yeux de ses apôtres ? N’est-il pas paradoxal de penser que Dieu se révèle en se soustrayant à nos regards ? En réalité, l’Ascension n’est pas le contraire des apparitions de Jésus ressuscité mais bien davantage son développement, le déploiement de la Résurrection dans toute son ampleur, pour le monde. Les apparitions de Jésus vivant ont été, pour les disciples, le signe inattendu et pour une part insaisissable, d’une réalité nouvelle : Jésus qui a été crucifié a vaincu la mort, et en lui la nôtre. Le crucifié est désormais à jamais vivant, son humanité a triomphé du mal, de la souffrance et de la mort. Car c’est bien lui Jésus, le crucifié, qui est ressuscité. Les marques des clous et de la lance en sont le signe. Ces marques indélébiles sont la mémoire dans la chair du Christ relevé de la mort, de l’amour qui s’est livré jusqu’au bout, un amour qui ne se reprend pas et nous est sans cesse offert. Les apparitions, dans leurs diversités, montrent la liberté de Jésus vivant, qui se montre de lui-même et rejoint les disciples, dans la pluralité de leurs situations historiques concrètes, pour susciter en eux la foi et la confiance en lui.
Qu’en est-il alors de cette disparition, de ce temps où Jésus est soustrait au regard des siens ? Une conviction traverse toutes les Ecritures, nul ne peut voir Dieu sans mourir. Dieu le disait déjà à Moïse, nul ne peut voir ma face. L’homme sur cette terre, dans les limites de sa condition de créature, ne saurait voir le créateur que rien de peut contenir. Si bien que cette disparition de Jésus lors de l’Ascension révèle paradoxalement quelque chose de fondamental : l’identité divine de Jésus. Ce Jésus de Nazareth, il est le Fils de Dieu, le Verbe qui est Dieu, comme le dit saint Jean. Si les apparitions de Jésus ressuscité révèlent que le Christ, en son humanité, a triomphé de la mort, l’Ascension révèle que le Ressuscité est Fils de Dieu, qu’il est non seulement vrai homme mais aussi vrai Dieu. Saint Jean exprime l’affirmation de l’Ascension d’une manière simple dans la bouche de Jésus : « Je vais au Père ». La place du Christ est auprès de son Père, car il est le Fils éternel du Père. La conséquence pour nous de ce mystère est considérable, mais le point le plus important et pour nous le plus essentiel à croire est donc le suivant : Jésus ne disparaît pas à nos yeux parce qu’il s’éloigne de nous, mais parce qu’il se révèle comme étant vraiment Dieu. Ce n’est donc pas une absence que nous avons à éprouver mais au contraire une nouvelle présence, car Jésus est bien l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous.
Et c’est là que nous pouvons répondre à la deuxième question : qu’attend Jésus de nous ?
Les Evangiles attestent que les apparitions de Jésus ressuscité ont été troublantes pour les apôtres. Ce n’est pas facile, les disciples ont des doutes, ils ont peur, ils disent leurs réticences. Jésus connaît notre fragilité, notre difficulté à croire, notre dureté de cœur, nos visions négatives des choses, nos attaches charnelles. Face à elles, il ne s’effraie pas mais donne sa paix et envoie ses disciples en mission. C’est un point important pour nous. Dieu n’attend pas que nous soyons plein de force et sans hésitation pour nous confier une nouvelle mission, un nouveau service. Ce qu’il nous garantit, c’est l’assurance de sa présence auprès de nous. Allez dans le monde entier. La Résurrection n’est pas destinée seulement à un petit groupe de disciples, elle est faite pour la création toute entière. Il faut partir, et la joie ne nous manquera pas car dès que nous nous mettrons en route, le Seigneur nous fera éprouver qu’il est là, auprès de nous. Au moment où Jésus disparaît, il redit à ses disciples sa présence. Ce sont les derniers mots de saint Marc : « le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient ». L’Ascension de Jésus ressuscité est inséparable de l’envoi en mission des disciples. Pour accomplir cette mission, pour vivre de cette nouvelle forme de la présence du Christ auprès de nous, un don va nous être fait, celui de l’Esprit Saint. Jésus qui va au Père envoie d’auprès du Père, et avec le Père, leur Esprit commun, l’Esprit du Père et du Fils. Cet Esprit est en personne l’amour dont le Père a aimé le monde en livrant son Fils. Il est aussi l’amour dont le Fils a répondu à la bonté du Père en s’offrant lui-même jusqu’à la Croix. Le Seigneur attend de nous que nous devenions ces témoins, c’est-à-dire que nous aimions cet amour dont il nous a aimés. Alors nous œuvrerons en synergie, non seulement avec le Christ lui-même, mais les uns avec les autres, puisque par la Résurrection, nous sommes devenus les membres de son corps. Alors le Seigneur lui-même portera en nous un fruit au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer ou concevoir. Telle est notre espérance. Amen !