Chanoines réguliers de Prémontré
26
Avr
S. Ludolphe, évêque de notre Ordre
Écrit par

Vè dimanche de carême – 3 avril 2022

Saint Jean accorde une place importante à l’épisode de la résurrection de Lazare, parce que ce récit prépare à bien comprendre le sens de la passion du Christ. Cependant, avant tout, il y a à bien considérer ce qui différencie la résurrection de Lazare et celle du Christ. Pour Lazare, il ne s’agit pas d’un accès à la vie glorieuse, mais d’un retour à la vie terrestre. Comment expliquer cela ? Surtout ne tentons pas de nous représenter ici les choses concrètement. Toute résurrection reste un mystère, c’est-à-dire une vérité non représentable, mais capable d’éclairer notre vie.

Comme dans le récit de l’aveugle-né de dimanche dernier, nous retrouvons des dialogues entre personnages face à une situation qui interroge et qui suscite beaucoup d’émotion. Contrairement aux récits de miracles chez les autres évangélistes, ici, en saint Jean, la foi est la conséquence du miracle, foi qui devient véritable adhésion au mystère de Jésus. Et dans cette perspective, le dialogue de Jésus avec Marthe est le sommet catéchétique de ce chapitre 11, quant à la signification profonde du terme résurrection. Nous voyons d’abord une affirmation de Jésus : « Ton frère ressuscitera ». A quoi la réponse de Marthe montre une incompréhension de ce qui a été dit : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour ». Néanmoins, Jésus fait une reprise qui permet à Marthe de passer d’un plan matériel à un plan spirituel : « Moi, je suis la résurrection (…) Tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais ». Jésus ne se satisfait donc pas de la foi de Marthe en la résurrection future. Il se déclare lui-même la résurrection et la vie.

En effet, croire en Jésus, c’est vivre, c’est être déjà passé de la mort des ténèbres et du péché à la vie d’union en lui. Autrement dit, l’adhésion à Jésus par la foi permet une résurrection spirituelle qui dépasse les limites de la mort physique. C’est donc en ce sens que l’expression « vie éternelle » en saint Jean, ne désigne pas seulement la vie glorieuse au-delà de la mort, mais déjà la vie d’union à Jésus inaugurée dès la vie terrestre. D’où la réponse de foi de Marthe : « Tu es le Messie, je le crois. Tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde ».

Ainsi, pour saint Jean, le désir le plus profond de Jésus est que le monde, à l’exemple des disciples, croie que c’est le Père qui l’a envoyé.

« ‘Lazare, viens dehors !’ Et le mort sortit ». Voilà seulement tout ce que nous dit l’évangile de la réalité de ce miracle. Et il n’est pas dit : Lazare sortit, mais : le mort sortit. Le choix du terme mort à la place du nom Lazare n’est pas un accident rédactionnel. Lazare est réanimé, soit, mais il devra encore mourir, c’est un mort en sursis… Comme nous tous, à cette différence près que lui est mort deux fois. Alors, cette chair de feu et de sang qui nous constitue aujourd’hui, que veut-on dire quand on dit qu’elle ressuscitera ? La résurrection ne prolonge pas le passé. Elle introduit une rupture. Avec elle on change de monde, on crée, on inaugure, on invente quelque chose de neuf. Dans chaque résurrection personnelle, ce qui se lève, ce qui se délie et va, ce n’est pas seulement un corps, un esprit, mais un peu de la poussière du monde. Car, la résurrection, ce n’est pas la réanimation d’un cadavre, c’est le commencement de la transfiguration de la terre.

Ce processus de passage vers la vie est engagé depuis le baptême qui nous a fait naître à la foi. Encore sous la loi de la mort, nous pouvons et nous devons, animés par l’Esprit qui vivifie, mener une existence dégagée de « l’emprise de la chair » mortelle, avec l’assurance d’être un jour pleinement participant de la résurrection du Seigneur. Pour introduire dans sa vie, Jésus doit donc lever chez le croyant la barrière infranchissable de la mort. Par sa propre mort-résurrection, Jésus devient vie du croyant. Jésus nous donne de vivre sa vie dans l’action même de croire.

Par la résurrection de Lazare, Jésus manifeste à tous les témoins de ce signe – et dont nous sommes -, qu’à ceux qui croient en son nom, il est donné de vivre en enfants de Dieu. Ceux-là donc, nés ni de la chair, ni du sang, ni d’une volonté humaine, sont nés de Dieu. Toute la symbolique de ce mort qui sort du tombeau encore enveloppé de ses bandelettes manifeste assez que, comme l’affirme Jésus à Marthe : « Celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra ». Ainsi comprend-on mieux la signification du nom de Lazare : Dieu a aidé. Il aide l’homme à sortir du tombeau de son incroyance et lui fait dénouer les bandelettes de la servitude du péché pour accéder à la liberté des Fils de Dieu. Dieu vous a aidée, Aurélie, au jour de notre rencontre au fond de cette église tandis que je m’occupais des cierges. Ce jour-là, avec Ronan vous êtes sortie de votre silence. Vous m’avez demandé comment faire pour être baptisée. Vous êtes sortie de votre enfermement. Le désir de vivre s’était emparé de vous et vous avez regardé Celui qui, seul, pouvait vous aider à accéder à une vie nouvelle !