1er janvier 2023 – Solennité de la Mère de Dieu
« Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus ». Dans la tradition biblique, le nom porté par une personne n’est pas anecdotique. Il ne fait pas que désigner la personne ; il est la personne même. Le nom est un programme de vie – mieux : une identité. Ainsi, Ruth, la moabite qui prend soin de sa belle-mère, porte un nom signifiant « compatissante », tandis que la belle Dalila trompe Samson après l’avoir séduit, elle qui porte un nom signifiant : « coquette ». De son côté, la sanguinaire Jézabel adorant la divinité païenne Baal porte justement le nom de « épouse de Baal », alors que Judith, fidèle de l’Unique Seigneur, a un nom qui chante « je louerai le Seigneur ». Le nom est donc un programme de vie. En outre, les récits bibliques mettent en scène des changements de nom lorsque les personnes rencontrent Dieu : après la promesse d’être père d’une multitude, Abram devient Abraham et Saraï Sara ; après le combat avec Dieu, Jacob prend le nom d’Israël ; puis Simon se fait appeler Pierre après sa confession de foi à Césarée ; après sa rencontre avec le Ressuscité sur le chemin de Damas et son baptême, Saul devient Paul. Ces rapides sondages dans l’Écriture Sainte indiquent donc deux réalités autour du nom : le nom révèle l’identité de la personne et il rend compte aussi de la relation que le Seigneur tisse avec elle et sa mission. Pour notre Seigneur, il en est de même. Huit jours après sa naissance, c’est-à-dire aujourd’hui, le divin Enfant reçoit le nom annoncé par l’ange : Jésus. Ce nom révèle son identité : Jésus signifie « Dieu sauve », et Il est bien notre Sauveur. En outre, la belle hymne aux Éphésiens nous fait entendre, chaque dimanche aux premières Vêpres : « Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2, 8-9). On ne peut pas dire que Jésus a reçu un nouveau nom après sa résurrection… mais disons que son saint Nom a pris toute sa mesure après sa mort et sa résurrection. Ce nom de « Jésus » qui était un programme est devenu une réalité : Jésus est le Sauveur. Désormais, toute la création pourra chanter : « Jésus-Christ est Seigneur » ; « Jésus le Sauveur, le Messie, est notre Dieu ».
Et que révèle le nom que porte chacun d’entre nous ? Comme pour Jésus et toute la tradition biblique, notre nom révélerait-il notre identité ? Exprimerait-il quelque chose de notre relation à Dieu et de notre mission ? Certes, oui ! Tout d’abord, le nom que nous recevons révèle notre identité. Que nous le recevions à notre baptême ou, pour certains d’entre nous, le jour de notre entrée dans la vie religieuse, notre nom dit qui nous sommes. « Mais, frère Maximilien, c’est votre vrai nom ? » La question est connue… je ne compte pas le nombre de fois qu’elle m’est posée chaque année. Désormais, ma réponse est toujours la même : « Oui… frère Maximilien, c’est mon vrai nom… mais si votre question est de savoir si c’est le nom de mon baptême, alors, non, ce n’est pas le nom de mon baptême ! » Souvent la discussion continue ainsi : « Ah bon ? Vous choisissez un autre nom quand vous êtes religieux ? – En réalité, on ne le choisit pas ; on le reçoit le jour de notre vêture – Oh ! Mais c’est horrible… pourquoi ne le choisissez-vous pas ? – Et vous, avez-vous choisi votre prénom ou l’avez-vous reçu ? – Ah oui… c’est vrai ! » Un prénom se reçoit. C’est la première question posée aux parents qui présentent un enfant au baptême : « quel nom avez-vous choisi pour votre enfant ? » ; c’est la première question posée à l’adulte qui frappe à la porte de l’Église et demande à commencer une démarche vers le baptême : « quel est votre nom ? » – et il est prévu, dans la même célébration d’entrée en catéchuménat, que le célébrant impose un nouveau nom au candidat au baptême ; l’imposition du nom est aussi un élément marquant de la célébration de la vêture d’un novice : « désormais, tu seras frère Aubin-Marie ». Et ce prénom reçu au baptême, à l’entrée en catéchuménat ou le jour de la vêture d’un religieux est le prénom d’un saint. C’est là que se trouve révélée l’identité de celui qui reçoit le nom : le nouveau baptisé devient un saint, c’est-à-dire un ami du Seigneur. Un saint qui aura à se convertir sans cesse tous les jours de sa vie, mais un saint marqué de l’Esprit Saint de Dieu pour y arriver avec sa grâce. Le nom chrétien que nous portons dit que nous avons été choisis par Dieu pour être saints comme Lui seul est Saint.
Enfin, notre relation à Dieu nous revêt d’un nouveau nom. Au nouveau baptisé, qu’il soit enfant ou adulte, immédiatement après le baptême, on remet un vêtement blanc en disant : « Tu as revêtu le Christ ». Le signe du vêtement indique que le baptisé reçoit désormais un nouveau nom, celui de « Christ », celui de « chrétien ». Comment ne pas entendre ici la phrase de l’Apocalypse qui dit : « Au vainqueur [c’est-à-dire au disciple du Christ] je donnerai un caillou blanc, et, inscrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit » (Ap 2, 17). Sans nous attarder sur le caillou blanc qui nous renvoie à des passages de l’Ancien Testament, constatons que le nom inscrit sur ce caillou n’est connu de personne sinon celui qui le reçoit. Or, il est dit, dans le même livre de l’Apocalypse, que l’Agneau, c’est-à-dire le Christ, « porte un nom écrit que nul ne connaît, sauf lui-même » (Ap 19, 12). Ainsi, le nom reçu à notre baptême marque une ressemblance avec le Christ. Il exprime un rapport intime entre chacun de nous et notre Dieu. Par notre baptême, nous recevons un nouveau nom, qui est le nom même du chrétien, du Christ. Et nous recevons ici notre mission : vivre comme chrétien.
Cette année, portons fièrement nos prénoms : ils sont un appel à la sainteté ; et soyons fiers de porter le nom de chrétien, le nom du Christ : il est l’origine et le but de notre vie.