Mercredi 22 février 2023 – Mercredi des cendres
Conversion, pénitence ! Un processus en trois étapes : une décision à prendre, des actions à mener, une attitude intérieure à adopter.
Une décision à prendre : qu’est-ce qui va me décider à me convertir ? La conversion nécessite un événement déclencheur, qui me pousse à me convertir, à changer. Le prophète Joël appelle à la conversion après une terrible invasion de sauterelles qui ravagent tout sur leur passage. Qu’il s’agisse des véritables insectes orthoptères, dont les nuages détruisent toutes les récoltes, ou que ces bestioles soient l’image des armées d’invasion qui partent à l’assaut d’un pays, le prophète est confronté aux catastrophes naturelles et à la guerre. La guerre en Europe, en Afrique, les séismes en Syrie et en Turquie vont-ils nous décider à la conversion ?
La réponse du psaume, le psaume 50, est, elle aussi, une décision de conversion suite à un événement déclencheur. Lequel ? Nous le connaissons. Traditionnellement, le psaume 50 est lu comme la démarche de demande de pardon du roi David, convaincu par le prophète Nathan de son grave péché : il a pris la femme d’Urie le Hittite et s’est arrangé pour que celui-ci soit tué au combat. Le sens soudain aigu de notre péché va-t-il nous décider à la conversion ?
Mais avec saint Paul apparaît l’événement par excellence, l’événement avec un E majuscule, celui qui doit nous saisir tous ici, rassemblés par notre foi au Christ. Il s’agit de l’événement de l’amour de Dieu qui se livre lui-même pour nous, offrant son Fils jusqu’à la mort de la Croix. C’est bien cet événement que nous nous préparons à célébrer, au terme de ce Carême, et vers lequel nous tendons. Le sang du Christ versé pour nous va-t-il nous décider à la conversion ?
Une décision à prendre, donc, mais aussi des actions à mener : que vais-je faire pour me convertir ? Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur » ! Le Christ évoque trois dimensions de la conversion : l’aumône, la prière et le jeûne. L’amour du prochain, l’amour de Dieu, la juste estime de soi-même. Les trois s’appellent mutuellement. L’un ne peut aller sans l’autre.
Alors quelques suggestions… L’aumône pour sortir de soi-même par la charité. Une réconciliation avec quelqu’un avec qui l’on est en froid ou fâché, un temps donné pour contacter ou visiter des personnes seules, un encouragement offert à un compagnon d’étude qui peine dans ses révisions. Ou bien encore… inviter des personnes pour réfléchir, prier, travailler ensemble. Rendre service autour de soi, dans son couple, sa famille, sa communauté, sa paroisse, dans son village ou son quartier, faire connaissance des voisins qu’on ignore, participer à l’aide matérielle aux démunis : travail, vêtements, nourriture, logement.
La prière pour laisser le désir du Christ transformer notre désir. Prendre certains moments plus longs de prière, pratiquer le chapelet, aller à la messe en semaine pour approfondir le mystère de l’eucharistie, intercéder pour telle ou telle personne qui demande notre prière, se lever un jour dans la semaine pour prier dans le silence de la nuit, lire et méditer un Evangile, découvrir un auteur spirituel, faire un pèlerinage.
Le jeûne pour nous désencombrer et nous libérer de nos esclavages. Se priver d’un peu de nourriture, simplifier l’un ou l’autre repas, s’abstenir d’alcool, de tabac peut-être. Jeûner des habitudes mauvaises qui nous font du tort : un excès d’internet et de vidéos, de réseau sociaux ou de certaines fréquentations excessives. Se priver d’un certain confort matériel superflu.
Par quelle attitude intérieure enfin, vais-je entrer dans une véritable conversion ? Car s’il nous arrive de pécher par omission, il ne suffit pas seulement de faire. Il y a l’art et la manière. Jésus le dit à trois reprises : ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Le secret, la discrétion : il s’agit au fond d’une forme d’humilité. Car le mercredi des Cendres est le jour où un autre accomplit sur nous-même ce geste humiliant de nous imposer les Cendres : souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière. La prière de bénédiction des Cendres le dit fort bien : « Seigneur Dieu, toi qui te laisses fléchir par ceux qui s’humilient ». Quand nous prenons le chemin de l’humilité, Dieu lui-même se penche vers nous, il s’abaisse, il se laisse fléchir. Comme un Père qui se penche vers son enfant. Ton Père voit dans le secret, il voit dans l’humilité, il se rendra proche de toi.
L’Evangile invite à la discrétion. Mais le Christ nous appelle aussi au discernement, et dans toute la tradition spirituelle, il n’y a pas de discernement replié sur soi-même. Peut-être que, sur l’un ou l’autre effort de Carême, vous pouvez demander le conseil d’autrui, un ami ou un proche sûr. Parce qu’il ne s’agit pas tant de faire exactement la même chose que son voisin que de faire ce qui me convient. C’est moins une question de justice que de justesse. Qu’est-ce qui est bon, utile, nécessaire pour moi, là où j’en suis aujourd’hui ? Si je suis à quelques semaines des concours ou si je suis un jeune retraité en pleine forme, ce n’est pas la même chose ! Sachant que l’ascèse le plus fructueuse est souvent moins celle que je me choisis que celle que les événements et le devoir d’état m’invitent à mettre en œuvre, avec la grâce de Dieu.
Oui, Père, aujourd’hui décide-nous à la conversion, fais-nous passer des paroles à l’action effective et donne-nous un cœur humble, un cœur de pauvre, jusqu’à ce jour où le Christ sera pleinement formé en nous. Amen !