Chanoines réguliers de Prémontré
25
Avr
S. Marc, évangéliste
Écrit par f. Maximilien

6 novembre 2022 – XXXIIè dimanche du T.O

« Il importe de se laisser toucher par la Parole de Dieu », entend-on parfois lors d’homélies. Et se laisser toucher par elle devrait provoquer notre conversion et transformer notre agir chrétien. Mais comment donc se laisser toucher par la Parole de Dieu ? Nous l’entendons chaque dimanche ; d’autres prennent le temps de la lire et de la méditer dans leur prière personnelle ; d’autres encore se retrouvent pour prier ensemble à partir de textes bibliques. Mais comment se laisser profondément toucher, et surtout transformer, par la Parole de Dieu ? Comment peut-elle être le point de départ de notre conversion et de notre agir ? La scène évangélique de ce jour nous montre une controverse entre Jésus et les Sadducéens. Tous se réfèrent à la Parole de Dieu. Pourtant tous n’y ont pas recours de la même manière. Voyons comment les Sadducéens utilisent la Parole de Dieu, comment Jésus enseigne à partir d’elle, et recevons de notre Seigneur et Maître la grâce de l’humilité face à la Parole de vie.

Les Sadducéens se présentent à Jésus avec une question pour le mettre à l’épreuve. Ils se réfèrent alors à la Loi juive en citant un passage du Deutéronome, au chapitre 25. Objectivement, leur recours à la Parole de Dieu est juste : ils la citent, ni plus, ni moins. Seulement, là où leur approche est fallacieuse, c’est que les Sadducéens se servent de la Parole de Dieu à l’appui de leurs propres théories. Le point de départ de leur question est bel et bien la Torah, mais elle ne leur sert pas de véritable point de départ pour leur réflexion. À partir d’une citation extraite de son contexte, les Sadducéens extrapolent ce que dit le Deutéronome et, finalement, tirent le verset biblique dans leur sens. Ils ont l’orgueil de croire vraie leur théorie selon laquelle il n’y a pas de résurrection, et ils vont chercher dans la Torah des éléments qu’ils vont pouvoir triturer et transformer pour étayer leurs propos et questionner Jésus. Parce que, lorsqu’on regarde le livre du Deutéronome, il n’est pas question ni de l’existence de la résurrection, ni de sa non-existence. Les Sadducéens utilisent la Torah à leurs propres fins ; ils lui font dire quelque chose qu’elle ne dit pas encore. Les Sadducéens ont une approche utilitariste de la Bible ; ils soumettent la Parole de Dieu à leurs propres théories. Quel orgueil !

Dans la réponse qu’il leur adresse, Jésus se réfère aussi à la Torah et à Moïse, et plus spécifiquement au récit fondateur du Buisson ardent. Dans ce chapitre 3e du livre de l’Exode, à Moïse qui passait par là, le Seigneur révèle doublement son nom : « Je suis celui qui est » et « Je suis le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ». Contrairement aux Sadducéens qui étaient allé chercher dans la Torah la phrase dont ils pourraient se servir pour lui faire dire autre chose, Jésus, lui, se réfère à la Parole de Dieu et la reçoit telle qu’elle est. Il n’utilise pas la Bible à l’appui de son propos ; il s’appuie sur elle pour répondre à la question qui lui est posée. Son argumentation est, en substance, celle-ci : Dieu a révélé à Moïse son nom en se présentant comme Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob ; or si Dieu était et est toujours le Dieu de ces patriarches qui désormais ne sont plus sur cette terre, c’est qu’Abraham, Isaac et Jacob sont encore vivants en Dieu. Ils sont morts à cette terre, mais déjà ressuscités en Dieu. À la différence des Sadducéens, Jésus a une approche humble de la Parole de Dieu. Il l’écoute telle qu’elle est révélée et, à partir d’elle, il en tire un enseignement de foi. D’un côté, l’orgueil des Sadducéens et, de l’autre, l’humilité de Jésus ; d’un côté, la soumission de la Torah pour appuyer des théories et, de l’autre, l’appui sur la Torah pour recevoir un enseignement de foi ; d’un côté, une approche utilitariste de la Parole de Dieu pour lui faire dire ce qu’on veut qu’elle dise et, de l’autre, une réception humble et méditée de la Parole de Dieu pour recevoir d’elle, et donc de Dieu, une parole de vie.

Dès lors, chers frères et sœurs, comment se laisser toucher par la Parole de Dieu ? Comment faire, concrètement, pour qu’elle nous pousse à la conversion ? Recevons de Jésus l’exemple de la belle attitude d’humilité face à la Parole de Dieu. La Parole de Dieu ne s’utilise pas, elle se médite et elle se prie. Elle ne se choisit pas en fonction de nos propres critères, elle se reçoit de l’Église qui nous la donne à lire, qui est l’écrin à l’intérieur duquel on la médite et on la prie. Les religieux pourraient témoigner ici de la richesse et de la fécondité de leur méditation quotidienne du trésor de la Sainte Écriture ; vous êtes aussi nombreux à dire votre soif de prédications nourrissantes, qui rendent vivante et actuelle la Parole de Dieu proclamée dans la liturgie – et voilà une soif belle et juste… et, du coup, la source d’une grande crainte pour les prédicateurs ! Pour nous laisser toucher par la Parole de Dieu, mettons-nous à son service ; pour recevoir, à partir d’elle, un enseignement pour notre agir chrétien, recevons-la avec humilité. Chers frères et sœurs, lisez les Saintes Écritures, priez à partir de la Bible, partagez la joie de votre méditation et de votre prière de la Parole de Dieu. Non pas pour lui faire dire ce que vous voulez y trouver, mais pour vous laisser interpeller par ces paroles qui, souvent, nous dépassent. Laissez la Bible devenir, pour vous, Parole de Dieu. Je vous le promets : vous serez touchés par elle, et toute votre vie s’en trouvera changée.