Chanoines réguliers de Prémontré
25
Avr
S. Marc, évangéliste
Écrit par f. Matthieu

13 novembre 2022 – XXXIIIè dimanche du T.O

Frères et sœurs nous sommes déjà suffisamment rongés de l’intérieur par l’actualité surtout celle de notre Eglise qui nous mine et voilà que l’évangile de ce jour vient juste en rajouter un peu pour plomber l’ambiance dominicale : destruction du temple, crise, guerre, désordres, affrontements, tremblements de terre, famines épidémies, persécutions, délations y compris en famille, ça il va être chouette votre déjeuner….

MAIS, car il y a un MAIS, enfin non en fait il y en a deux, deux MAIS, en quelque sorte deux oppositions au milieu des troubles, au milieu de l’agitation avez-vous remarqué ces recommandations, comme des recommandations à rester calmes et tranquilles

Ces deux MAIS les voici :

          Mon premier est « veillez »

          Mon second est « persévérez »

Et mon tout sera cette homélie.

A la question de ses interlocuteurs sur le … moment, ou sur les … signes de la destruction du temple Jésus ne répond justement pas exactement MAIS il déporte sa réponse, il fait un pas de côté en exhortant ceux qui l’interroge à la « veille » : veillez, veillez à ne pas vous laisser égarer. Cela fait suite à l’annonce de la mise à sac du temple, d’une déconstruction pierre par pierre d’un édifice. Jésus fait œuvre de prophétie ici pour dire qu’une épreuve vient, viendra mais que nous n’en connaissons ni le jour ni l’heure. Or son exhortation face à la déréliction est de veiller. En cela il nous rappelle simplement que toute notre vie chrétienne est une vie de veille, pour nous préparer tant à recevoir les joies et les grâces qu’à vivre les épreuves et les difficultés. La veille comme l’état de celui qui attend, qui espère quelque chose, quelqu’un, qui ne se laisse pas surprendre car son cœur veille. La veille dans tout l’Ancien Testament comme le lieu commun du peuple qui se rassemble dans l’attente, dans l’espérance d’un salut. La veille comme l’entretien d’un feu, d’une flamme, dans l’exercice d’un regard qui s’accoutume dans la nuit à percevoir la moindre lueur.

Observez que dans nos vies quand nous vivons parfois dans une certaine léthargie, un certain découragement, voire une indifférence spirituelle surtout quand tout semble aller bien et que nous sommes comme installés dans un petit « confort », si votre vie chrétienne est confortable c’est sans doute qu’il y a du souci à se faire….car voilà que lorsque les difficultés ou les épreuves surviennent, nous sommes piqués, réveillés brutalement. Ce qui est sûr c’est que dans notre monde où le malin se plaît à se répandre il n’est pas dérangé par une foi silencieuse, intérieure et invisible. Mais dès lors que nous avons à sortir de nous-mêmes pour exprimer notre foi, en actes et en paroles, alors oui de notre veille attentive sauront jaillir les mots et les attitudes pour combattre face aux épreuves.

Quand l’on vit une conversion, ou un sursaut authentique, dans notre foi en Dieu, que des évènements forts, un baptême, un mariage, une ordination, une entrée en religion ou que sais-je encore des JMJ, un festival, un pèlerinage, une retraite, alors il nait en nous comme le sentiment d’une certaine allégresse, voire une euphorie, d’un romantisme spirituel. Simplement tandis que la vie ordinaire reprend son cours l’intensité de nos défenses baisse. Nombreux sont ceux qui proposent le doux rêve d’une vie facile et de jours paisibles. Or tel n’est pas le message de l’Evangile. Certes il ne nous appartient pas d’être naïfs ou de tomber dans un certain fatalisme, cependant nous devons garder au cœur que tout moment difficile possède en germe une vraie valeur qui nous conduit à Dieu même.

Qui parmi nous frères et sœurs a envie de la croix ? Personne… or où contemplons nous le Christ sinon cloué sur cet instrument de supplice ? D’où nous a-t-il témoigné la force de son amour ? Sinon depuis la croix ?

Alors à notre tour, comment ne pas lui rendre témoignage ?

Mais et ce sera mon second MAIS dans le témoignage est en quelque sorte contenue l’interpellation à la persévérance. Quand saint Paul dans la seconde lecture invite à une imitation en ne vivant pas de façon désordonnée, il invite en aussi à maintenir un rythme, à ne pas vivre de manière saccadée.

Dans le Nouveau testament la persévérance peut être défini comme : le trait caractéristique d’un homme qui ne dévie pas de son but délibéré et de sa loyauté à la foi et la piété malgré les plus grandes épreuves et souffrances. Il en va donc pour nous d’une résolution, donc d’un acte de notre volonté, de l’action et de la patience. Quel que soit l’exemple à prendre, du sport, de la musique, d’un art, et que sais-je encore, tout apprentissage n’est pas linéaire. Peut-être qu’au début on apprend vite avec de fortes gratifications, mais voilà, les paliers arrivent et l’impression de stagner se présente avec en prime la démotivation pffff j’y arriverais pas ! Or la dextérité et la vélocité ne s’appréhendent qu’avec la répétition et donc dans le temps, et malgré tout une certaine souffrance pour atteindre la victoire.

L’exemple a nécessairement ici ses limites, mais dans notre vie chrétienne, cette persévérance trouve toute son expression dans l’épreuve. Sans la nier ou la désirer, qui peut désirer la souffrance, sinon celui-là seul qui n’a jamais souffert ? Abraham notre père dans la foi a eu besoin de persévérance pour voir la promesse de Dieu s’accomplir d’un côté il a eu la joie de la naissance de son fils Isaac, mais de l’autre Dieu lui-même lui a redemandé son fils dans l’offrande d’un sacrifice. La persévérance est celle qui nous fait être plus fort, plus malin face à l’adversité qui nous envahit et parfois nous anéanti. La persévérance nous donne de poursuivre notre route parce que nous en connaissons le but, la fin. Dans les tribulations, on peut se perdre quand on ne sait pas ou plus où l’on va, quel est notre désir et notre joie ? Que cherchons-nous ? Qui cherchons-nous ? Celui-là même qui nous dit qu’il est notre défenseur et qui nous donnera les mots de la sagesse.

Accorde nous Seigneur de trouver notre joie dans notre fidélité, c’est bien ce que dit l’oraison de ce jour, fidélité, veille, persévérance qui sont les signes de notre maturité spirituelle quand nous sommes capables de dire que l’épreuve fait grandir notre intimité avec le Christ. Quand je suis faible c’est alors que je suis fort car la puissance de Dieu s’accomplit dans la faiblesse.