Chanoines réguliers de Prémontré
26
Avr
S. Ludolphe, évêque de notre Ordre
Écrit par

XXVIIIè dimanche du T.O – 10 octobre 2021

Nous avons tous compris que l’homme qui vient aujourd’hui à la rencontre de Jésus ne le suit pas, car il ne veut pas se séparer de ses richesses. Il doit faire le choix qu’il pressentait dans sa conscience droite, c’est-à-dire de choisir entre Dieu et le dieu argent. Et il choisit l’argent, bien conscient du renoncement à Dieu que cela signifie. Jésus utilise la situation pour nous donner à tous un enseignement : nous ne pouvons pas être sauver ! C’est terrible, car justement, c’est ce que l’Église nous promet depuis toujours : « vous serez sauvez par le baptême ! » ; « croyez en Dieu et vous serez sauvez ! » ; « soyez saints et vous serez sauvez ! » ; etc. L’Église nous a-t-elle menti ? A quoi bon tous ces sacrifices si nous ne pouvons pas être sauvés ? En paraphrasant saint Paul : si nous ne sommes pas sauvés ? Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! Pourtant, Jésus ajoute que Dieu seul sauve.

Ainsi, quoique nous fassions de bien, nous ne pouvons pas atteindre le ciel par nous-même. C’est là l’enseignement de notre Église, qui affirme que c’est Dieu lui-même, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, qui nous donne la force pour suivre les voies de la sainteté. Mais alors, est-ce Dieu qui nous fait faire aussi le mal ? Non, car comme Jésus pour cet homme riche, Dieu nous invite à faire le bien, mais nous n’y sommes pas obligés. C’est un choix libre. Nous pouvons aussi nous détourner de Dieu et aller faire notre vie sans Lui. Bien sûr c’est triste, comme est triste ces millions de français qui se sont détourner de Dieu parce qu’ils n’avaient pas le temps, l’intérêt, ou le courage. Ils sont autant de diamants en attente dans un tiroir. Ils sont d’une beauté sans égale, mais nul ne les voit, ils sont comme la lampe sous un boisseau, inutiles jusqu’à ce que qu’il cesse d’être enfoui.

Pour que le diamant resplendisse à la lumière du jour, il faut le dégager de ce qui le cache. C’est ce que Jésus demande à cette homme : « va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor dans le ciel ». Dieu seul sauve. Vous le savez, l’argent nous rend indépendant. Vendre ses biens ne nous achète pas le salut, mais cela nous rend dépendant (c’est bien là quelque chose qui nous dérange dans notre société actuelle qui promeut l’indépendance comme un droit). Les biens sont une assurance : contre la vieillesse, contre la maladie, contre l’ennuie, contre l’inconfort. Avec le confort nous n’avons pas besoin de Dieu, car nous avons tout ce qui nous est nécessaire. Néanmoins nous sommes peut-être quand même de bons Chrétiens, mais nous pouvons être tout aussi bien sans Lui. Nous ne dépendons pas de Lui.

Celui qui donne tous ces biens pour suivre le Christ dépend entièrement de Dieu. Cela suppose l’amour, la foi, l’espérance. C’est là le centre du message du Christ. Croyez en Dieu car il vous aime. Parce qu’Il vous aime, vous pouvez l’aimer et aimer en retour. Croyez qu’il vous veut de bien et ce bien se réalisera car il vous aime, c’est cela la foi. Enfin, l’espérance est la conséquence de l’amour, car celui qui aime attend avec joie les dons de cette amour. Alors lorsque nous demandons quelque chose à Dieu dans la prière, croyons que cela est déjà donné et Dieu nous donnera ce qui est bon pour nous, comme un père pour ses enfants.

Donner tous ses biens n’est pas facile, comme nous le constatons avec cet homme riche. Je le compare souvent au saut d’une falaise sur la parole d’un ami qui vous dit qu’il y a de l’eau pour amortir la chute en bas, une eau que vous ne voyez pas. C’est une expérience fantastique et effrayante. Mais si vous ne sautez pas, vous restez bêtement sur le haut de la falaise, inutilement. Lorsque nous avons renoncé à tous nos biens pour devenir religieux, nous avons fait ce pari que Dieu serait là pour nous à tout moment. Finalement, la communauté est pour nous une richesse dans notre pauvreté, une richesse que nous sommes aussi appelés à abandonner. Ainsi, donner ses biens, se donner, suivre le Christ ne s’arrête jamais. Pour reprendre l’image de la falaise, c’est comme si vous aviez de nouvelles falaises à de nombreuses reprises dans votre vie. Il faut continuer car la première n’a pas suffi. Tant que nous vivons, nous n’avons jamais à cesser de nous donner et à donner.

Car le riche comme le pauvre a à donner tout ce qu’il a. Vous pouvez le comprendre entre les lignes : Jésus ne demande pas tant à cette homme de renoncer à ses richesses, qu’à lui donner sa vie en le suivant. L’un comme l’autre, il ne peut les donner. Nous qui sommes ici, nous sommes appelés à suivre le Christ, chacun là où l’Esprit le conduit. Certains donnent de leur temps et leur argent pour leur famille, pour les pauvres, pour d’autres œuvres. Nous, chanoines de Mondaye, nous avons donné notre vie à Dieu dans la vie religieuse. Pourtant, nous tous, nous avons encore à tout donner. Tant qu’il nous reste un souffle de vie, nous avons encore ce don à faire : donner sa vie pour Dieu. C’est ce que Jésus a fait pour nous. Il a donné sa vie par amour pour nous. A notre tour, donnons notre vie pour Dieu. Ce don n’est possible que dans l’amour. Aimer Dieu, c’est donner sa vie. Nous le faisons gratuitement, comme Jésus l’a fait lui-même gratuitement. Ce don d’amour, n’attend rien en retour. Que Dieu nous sauve ou non, c’est sa liberté. Mais notre liberté est de nous donner par amour, sans attendre en retour. Mais pour donner notre vie, nous devons aussi la vivre pleinement et entièrement, pour que ce don de notre vie soit un vrai don.

Finalement peu importe que vous soyez riches aux yeux des hommes ou non, car nous sommes tous riches des dons de Dieu, et en premier lieu notre vie. Les biens que nous accumulons au court de notre vie sont autant de biens qu’il nous faut un jour abandonner. C’est maintenant notre choix à faire. Continuerons-nous à accumuler des richesses jusqu’à notre mort, ou suivrons-nous le Christ qui nous appelle ?