Solennité de sainte Foy à Conques – 10 octobre 2021
Hier soir, une foule déjà s’est réunie pour la belle procession dans la nuit à travers le village de Conques puis la vénération des reliques dans l’abbatiale, le chemin illuminé des bougies rouges et blanches, rouge couleur du sang du martyre de sainte Foy, blanc couleur de la pureté de son cœur.
Ce matin, très nombreux, nous sommes dans la joie de célébrer aujourd’hui la sainte Foy après ce temps difficile d’isolement forcé, que nous avons connu depuis mars 2020.
J’ai une pensée spéciale pour fr Jean-Régis qui a participé encore avec beaucoup d’enthousiasme à la sainte Foy l’an passé. Ce fut pour lui sa dernière venue à Conques avant que le Seigneur ne le rappelle à lui le 24 novembre 2020. Il fête aujourd’hui sainte Foy auprès d’elle et de tous les saints dans le ciel et il prie pour nous, certainement. Il réalise pleinement, c’est notre espérance, ce que dans l’Evangile de saint Jean, Jésus nous dit aujourd’hui : « demeurez dans mon amour ».
Voilà une question bien importante : comment pouvons-nous être fidèles au Christ, demeurer avec lui, auprès de lui ? A l’heure où Jésus va entrer dans sa Passion, au soir du Jeudi Saint, alors qu’il va les quitter par sa Pâque, il veut les introduire dans une nouvelle présence, dans une nouvelle manière d’être avec lui.
Question essentielle, parce que nous faisons l’expérience d’être souvent loin du Seigneur. Nous ne cheminons pas sur cette terre dans la claire vision du Seigneur, nous avançons dans la foi. Saint Paul dit « pendant que nous sommes sur cette terre, nous voyageons loin du Seigneur ». Mais aussi, parce qu’il ne suffit pas de porter le nom de chrétien et de dire « Seigneur, Seigneur » pour l’être vraiment, pour demeurer vraiment avec le Seigneur. Il faut faire la volonté de Dieu. Cela implique de notre part une constante vigilance et un réel soutien les uns envers les autres, une fraternité concrète sans laquelle nous risquons de nous éloigner du Seigneur.
Loin du Seigneur, nous le sommes quand nous vivons comme s’il n’existait pas, quand nous n’entrons pas en relation avec lui par la prière, noyés par de multiples activités, des préoccupations, du divertissement, le bruit de l’information en continue, les images incessantes, la communication permanente sur les réseaux sociaux, qui étouffent les véritables rencontres et la communion, qui favorisent les clivages, l’entre-soi et les divisions.
Loin du Seigneur, nous le sommes plus encore lorsque nous rompons l’alliance avec lui par le péché, qui est fondamentalement le fait de couper la relation avec le vrai Dieu et de nous livrer à des faux dieux, à de faux bonheurs illusoires. Sainte Foy est mort martyre parce qu’elle a refusé de sacrifier aux idoles, de rendre un culte aux faux dieux de son temps.
Quelles sont les idoles de notre temps, les idoles de tous les temps ? Ce ne sont pas nécessairement des statues de divinités païennes, mais toutes ces choses dont on fait un absolu alors qu’elles ne le sont pas : il y a trois grandes idoles en ce monde, que l’Ecriture ne cesse ne nous exhorter à combattre : je pourrais les appeler la « toute puissance », la « toute finance » et la « toute jouissance ».
La toute puissance : tentation de dominer les autres et le monde, de tout maîtriser, de la naissance jusqu’à la mort, de tout contrôler pour maintenir son pouvoir, si petit et si dérisoire qu’il soit, au sein d’un couple, en famille, à l’école, dans les associations, dans le travail, dans la société, la vie publique. Pouvoir sur les esprits, sur les consciences, sur toute la vie.
La toute finance : tentation de réduire toute chose, tout lieu et toute personne à une source économique de profit, volonté de faire de l’argent avec tout, jusqu’aux réalités les plus intimes de notre vie. Et le pouvoir de la connexion illimité et omniprésente est bien là pour y parvenir.
La toute jouissance : tentation de tout consommer, avidité qui croit pouvoir trouver une satisfaction immédiate aux besoins humains, qui cherche à croquer la vie à pleine dent, mais qui finalement a le goût de mort.
Nous le savons, toutes ces idoles nous éloignent de Dieu, elles détruisent le monde, crées de grandes injustices et conduisent à la mort. Alors que Jésus nous promet aujourd’hui la vraie joie, celle qui naît de l’amitié avec lui, celle de reconnaître que nous ne sommes pas Dieu, que ce monde n’est pas le paradis, mais que nous sommes cependant appelés à la communion avec Dieu et à espérer en la vie éternelle, à prendre part au royaume de Dieu qui commence déjà en ce temps.
Face à tout ce qui éloigne de Dieu, l’invitation du Christ est de demeurer dans son amour, en gardant ses commandements, en gardant sa Parole, trouve en sainte Foy un exemple et par sa prière un soutien. Elle a gardé les commandements du Seigneur jusque dans la persécution.
Je suis particulièrement sensible à son âge : à 12 ou 13 ans, l’âge où l’on quitte l’enfance, et où demeurer dans la foi reçue durant l’enfance est un choix décisif. Elle n’est plus une enfant, surtout à cette époque, c’est une adolescente, déjà un peu une femme, et elle tient à sa religion, à sa foi au Christ, elle tient non seulement au Dieu auquel elle croit, mais aussi à vivre conformément à l’Evangile, aux commandements du Seigneur, à la joie et aux exigences d’une vie vraiment chrétienne, dans la droiture et la pureté. Et c’est grâce à son témoignage que nous sommes là aujourd’hui, si longtemps après. Qu’est-ce que cela veut dire ? Sainte Foy parle à vous parents dans votre désir que vos enfants demeurent dans la foi à laquelle vous avez ouverts vos enfants. Sainte Foy parle à vous, jeunes, appelés à être fidèle à la foi de votre jeunesse. Pour l’avenir de la foi, notre mission est qu’une nouvelle génération de jeunes et d’adolescents aient le goût de continuer à pratiquer, à vivre en chrétien au cœur des réalités de notre époque ! La vie de sainte Foy nous apprend qu’elle n’était pas seule, elle était avec d’autres de son âge, qui se soutenaient ensemble dans l’amitié et la même foi. Quelle grâce si, dans les paroisses, les diocèses, les mouvements, les patronages, les aumôneries, les écoles, les jeunes trouvent le goût à être et à devenir de plus en plus chrétien. Vivre dans la fidélité aux commandements du Seigneur : une fidélité à la prière et aux sacrements, à un comportement authentiquement chrétien, en opposition aux idoles de notre temps, à tout ce qui fait vraiment grandir l’amitié et la fraternité dans des lieux où on peut unir la réflexion sur la foi, la pratique des sacrements, mais aussi des temps d’amitié, de jeux et de sport, de vie dans la nature, de découverte de la beauté de la création, de service des autres. Tout cela demande bien sûr de l’énergie, mais c’est mettre son énergie au service d’un projet vraiment évangélisateur !
Comment ne pas évoquer ici, avec beaucoup de tristesse, de consternation, comme en contraste, face à cette persécution de sainte Foy, tous ces enfants qui connaissent la persécution d’avoir été maltraités et abusés par des adultes, et tout particulièrement par des prêtres, des religieux, des chrétiens adultes. Je voudrais confier avec vous tous ceux qui ont été abîmés dans leur enfance et leur jeunesse, à sainte Foy. Qu’elle prie pour eux, pour les accompagner dans leur douleur, dans le long chemin de leur relèvement. Confions aussi à sainte Foy les auteurs de ces maux si graves, afin qu’ils se convertissent et fasse pénitence. Il y a beaucoup de discours, de réactions, de paroles, suite au rapport que l’Eglise, en France a voulu faire réaliser, qui a été porté à notre connaissance cette semaine. Celui qui fait la vérité vient à la lumière, nous dit Jésus. C’est compréhensible. Quand on écoute s’exprimer des personnes qui ont subi de tels drames, on ne peut être que profondément affligé par leur épreuve et dégoûté par ce qu’ils ont subi. Il me semble pourtant que pour l’instant, l’heure est moins aux discours, qu’à la réception humble de ce qui a été mis au grand jour. Celui qui fait la vérité vient à la lumière, dit Jésus. Il est indispensable de porter aussi dans l’intimité de notre cœur, en silence devant Dieu, ce péché, ce drame : prends pitié Seigneur du pécheur que je suis ! Il n’y aura pas de conversion sans prière, sans intercession, sans sacrifice c’est à dire sans le don plénier des cœurs qui veulent s’offrir vraiment à Dieu de toute leur âme, avec le grand désir de devenir des saints ! L’humble travail au quotidien peut servir vraiment l’annonce de la foi auprès de jeunes, pour annoncer l’Evangile avec toujours un plus grand respect des personnes et une grande transparence vis-à-vis d’eux et de leurs parents, pour que les activités auprès des jeunes soient toujours accomplies en pleine lumière.
Sainte Foy nous offre un témoignage d’espérance. On ne sait plus rien de l’homme qui l’a persécutée, mais elle, dans sa forte faiblesse, rayonne toujours, 17 siècles plus tard, de la beauté de sa foi, de son espérance et de sa joie. Notre prière fervente, qui s’enracine dans une tradition plus que millénaire, est un signe de ce que cela peut vouloir dire : demeurer dans l’amour du Seigneur, demeurer dans sa joie, dans son amitié, dans la fidélité à ses commandements. C’est la fidélité non pas d’individus isolés les uns des autres, mais la fidélité de tout un peuple de croyants, qui traverse humblement le temps et qui avance avec audace vers l’éternité. Amen !