Chanoines réguliers de Prémontré
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Juil
Écrit par F. François-Marie

22 juin 2025 – Fête Dieu

Depuis son origine et jusqu’à aujourd’hui, l’Eglise ne cesse de redire sa foi, face à ceux qui sont tentés de relativiser ce que nous célébrons, en chaque eucharistie. Saint Paul, le premier, affirmait : « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1Co 11, 26). Et il poursuivait : « celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation s’il ne discerne le Corps » (1Co 11, 29).

Le relativisme, nous le retrouvons à plusieurs niveaux : celui du sens du mémorial, tout d’abord. L’eucharistie n’est pas qu’un simple souvenir, faire mémoire signifie rendre présent, actuel, actualiser l’événement dont il est question. C’est le sacrifice même de la Croix qui est à l’œuvre maintenant et pour nous. Non pas un nouveau sacrifice, ni la répétition du sacrifice du Christ, mais l’eucharistie permet à l’offrande d’amour du Christ de nous rejoindre aujourd’hui.

Le relativisme, nous le trouvons ensuite à un autre niveau, celui de discerner le Corps. Ici, il y a deux discernements à faire, qui n’en font qu’un. Le premier discernement, c’est de croire que ce pain et ce vin deviennent vraiment le corps et le sang du Christ, parce que l’eucharistie n’est pas seulement un souvenir, mais il s’agit d’un sacrement qui rend présent le don de lui-même que le Christ a accompli pour nous. Le deuxième discernement, c’est de croire que nous-même, qui communions au corps et au sang du Christ, nous devenons ce que nous recevons, nous devenons le Corps du Christ, si bien que le Corps du Christ n’est pas seulement l’hostie, mais bien l’assemblée qui communie, l’Eglise qui est le Corps dont le Christ est la tête.

Mais d’où vient cette foi de l’Eglise ? Pourquoi l’Eglise tient-elle tant à affirmer sa foi en l’eucharistie ? L’Eglise n’invente pas sa foi. Elle la reçoit du Christ. Il s’agit du désir et du dessein du Christ lui-même. « J’ai désiré d’un grand désir mangé cette Pâque avec vous » dit Jésus au soir de la Cène. Le désir de Dieu, c’est de nous faire partager sa vie divine, de nous donner part à sa divinité. C’est pour cela qu’il a envoyé son Fils dans le monde, pour nous purifier de nos péchés par son sang et pour nous donner part à sa vie divine.

Quel signe plus grand et plus fort que l’eucharistie pouvait-il nous donner pour que se continue à travers le temps et l’histoire, la mémoire du désir de Dieu et de ce qu’il a fait pour nous ? Ainsi notre participation à l’eucharistie nous permet peu à peu d’accueillir l’amour sauveur de Dieu pour nous, lui qui s’est offert pour l’humanité toute entière sur la Croix, l’eucharistie nous permet d’être transformé par le pain de vie que nous recevons en nourriture, l’eucharistie fait de nous un seul Corps, dans le Christ, par ce sacrement de l’unité qui construit sans cesse l’Eglise.

Ce mystère est grand ! Nous le redirons tout à l’heure : il est grand le mystère de la foi. Aussi, avons-nous besoin de regarder les saints. Il ne manque pas de saints à travers les âges pour nous redire la valeur, le prix, la vérité du mystère de l’eucharistie. Laissons-nous instruire par eux.

Je pense tout d’abord à saint Tarcisius, un jeune adulte peut-être ou un encore un jeune garçon, selon les traditions. Comme saint Etienne à Jérusalem, il fut lapidé, à Rome, en l’an 257. Il portait, caché dans ses vêtements, la communion, qu’il voulait apporter à des malades ou à des chrétiens jetés en prison. Repéré comme chrétien alors qu’il porte le Sacrement du Christ, il est battu à mort sur la via Appia, préférant, dit l’inscription sur sa tombe, rendre l’âme que d’exposer à des chiens enragés les membres célestes.

Plus proche de nous, Je pense à Pier Giorgio Frassati, il est le patron de notre noviciat depuis 20 ans. C’est un jeune italien de Turin, mort à 24 ans, en 1925, qui sera canonisé avec Carlo Acutis, le 7 septembre prochain. La vie de Pier Giorgio a été en embrasement de joie, qui a entrainé toute une jeunesse désœuvrée dans le service des pauvres et la soif d’absolu. Il écrivait en 1923 à la jeunesse catholique : « je vous exhorte de tout mon cœur à vous approcher le plus souvent possible de la table eucharistique. Nourrissez-vous du pain des anges et vous y puiserez la force pour mener les luttes intérieures et les combats contre les passions et toutes les adversités. Et quand vous serez totalement consumés par le feu eucharistique, alors en pleine conscience, vous pourrez rendre grâce au Seigneur Dieu, lui qui vous a appelé à faire partie de ses rangs. »

Ces rangs, pour Pier Girogio Frassati, ce vrai Corps du Christ qui se construit dans l’eucharistie, ce n’était pas des saints bien sages, nichés comme des statues avec leurs auréoles. Non c’était ce qu’il avait appelé « La société des Types Louches », une compagnie qu’il avait fondé et qui avait pour objectif de souder des liens humains et spirituels entre ses membres, et dont la devise était « servir Dieu dans une joie parfaite ». Un réseau d’amitié, de service et d’idéal dont témoignera la foule de jeunes et de pauvres qui envahira les rues de Turin le jour des funérailles de Pier Giorgio.

Pier Giorgio disait que de la force qui nous vient de la fidélité à l’eucharistie, jaillissent trois formes d’apostolat : l’apostolat de l’exemplarité : que toute notre vie soit réglée par la morale chrétienne. L’apostolat de la charité : soulager ceux qui souffrent, réconforter les laissé-pour-compte. L’apostolat du témoignage : convaincre les autres jeunes qui ne dépensent pas leur temps libre dans de sains divertissements, que la vraie joie vient de suivre les chemins du Seigneur, parsemé de biens des épines, mais aussi de nombreuses roses.

Seigneur Jésus, donne-nous donc d’écouter le témoignage de nombreux saints, qui ont puisé dans l’amour de l’eucharistie, l’élan et le dynamisme pour marcher vers les hauteurs de la sainteté. Amen !