Chanoines réguliers de Prémontré
21
Juin
S. Louis de Gonzague
Écrit par f. Maximilien

15 juin 2025 – Sainte Trinité

Il y a 1700 ans, en entre mai et juillet 325, environ 300 évêques étaient réunis dans la ville de Nicée, en Turquie actuelle, pour célébrer le premier concile œcuménique. Le moment est solennel ! Mais que cherchait l’empereur Constantin lorsqu’il décide de convoquer ce concile ? Il l’écrit lui-même dans une lettre : « Je savais que, si j’arrivais à rétablir l’entente entre les serviteurs de Dieu, les affaires publiques, grâce aux dispositions pieuses de tous, connaîtraient un changement favorable ». L’empereur cherche la paix dans son empire, et cela passe par l’entente et la fraternité entre les chrétiens. Voilà un premier enseignement pour nous, 1700 ans plus tard. La situation n’est certes plus la même ; la société a fortement évolué. Mais il y a une chose qui doit nous interpeller encore aujourd’hui : il est du ressort des chrétiens, les serviteurs de Dieu, de rayonner dans le monde par l’entente qui règne entre eux. N’imaginez pas que le monde au temps de Constantin était unanimement chrétien. Certes le christianisme avant grandi depuis ses origines. Mais les cultes païens et idolâtres étaient encore majoritairement prégnants. Les chrétiens n’étaient encore qu’une minorité. Pourtant, pour l’empereur, la paix de la société à la tête de laquelle il se trouvait passerait par l’entente entre les serviteurs de Dieu. Il doit en être de même aujourd’hui. Nous serons fidèles à notre mission de chrétiens, de serviteurs de Dieu, si l’entente entre nous rayonne de sa paix. N’attendons pas convocation d’un concile pour chercher l’entente fraternelle entre nous. Trop de divisions sont un contre-témoignage. Divisions dans nos communautés, dans notre paroisse Saint-Martin, dans notre Église de France, entre les Églises chrétiennes. « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaître comme mes disciples ».

Le concile de Nicée est donc convoqué par Constantin. Les questions abordées sont surtout théologiques. Depuis quelques décennies, les chrétiens cherchaient les mots les plus justes pour exprimer leur foi. Comment dire la vérité de la foi ? À l’époque, il n’existait pas encore de Credo unique. Les nouveaux évêques d’une ville écrivaient un Credo qu’ils diffusaient auprès des évêques voisins, afin de leur faire connaître leurs mots de la foi. C’est ainsi qu’ils se reconnaissaient. Mais comment vivre une foi unique sans les mots pour l’exprimer ? Comment comprendre qui est vraiment Jésus, dont tous les chrétiens confessent l’incarnation, la mort sur la croix, la résurrection et l’ascension ? Les questionnements des chrétiens de ces Églises antiques étaient vitaux. Ne pensez pas, chers frères et sœurs, qu’il s’agissait là de questions réservées à des théologiens érudits. Il en allait de la pertinence de la foi, et donc, par suite, de la proposition de la vie chrétienne. À quoi cela servirait-il d’être chrétien sans la foi ? Ces questionnements théologiques étaient vitaux pour tous ! Il doit en être de même pour nous aujourd’hui ! La recherche des mots les plus justes pour dire notre foi aujourd’hui n’est pas réservée aux théologiens. Leur travail est important pour creuser la réalité de la foi, pour exprimer la vérité qu’est le Christ. Mais il incombe à chacun de s’inscrire dans l’héritage et la tradition de l’Église pour vivre, aujourd’hui, la joie de notre foi, la grandeur de notre espérance et la vitalité de notre charité. Voilà un deuxième enseignement pour ce matin : creusez votre foi, chers frères et sœurs. Un défi : ce midi à table, partagez simplement avec vos convives les mots de la foi. Répondez tous à la question : qui est Jésus ? qu’est-ce que l’Église ? Trouvez les mots pour témoigner de votre foi !

Parmi les questions les plus épineuses qu’eurent à traiter les évêques réunis au concile de Nicée, celle de la nature du Fils de Dieu était la plus importante. Qui est Jésus ? La foi unanime de toute l’Église reconnaît en Lui le Fils de Dieu, incarné. Il est tout à la fois Dieu et homme. Mais comment résoudre ce qui semble être un paradoxe : d’une part, il n’y a qu’un seul Dieu, d’autre part, le Père a engendré son Fils qui s’est incarné. Il fallait trouver les mots justes pour dire cette foi. Alors, on s’écharpe… parfois pour une seule petite lettre dans un mot grec ! Homoousios ou homoiusios ? Le Fils de Dieu est-il « consubstantiel » au Père ou « de nature semblable » au Père ? Est-il vraiment et totalement Dieu ou ne fait-il que ressembler à la divinité du Père ? À Alexandrie, la question est délicate. Un prêtre, Arius, professait la foi en « un seul Dieu, seul inengendré, seul éternel, seul sans commencement, seul véritable, seul possédant l’immortalité ». Jusque-là, la foi chrétienne… Mais ensuite, que dire du Fils de Dieu ? Quelle est la nature du Fils de Dieu ? En poussant la logique d’Arius plus loin qu’il ne l’a fait d’ailleurs lui-même, le Fils, parce qu’il est engendré par le Père puis incarné, n’est pas le Dieu unique, mais un Dieu, de nature semblable au Père, mais secondaire par rapport à Lui. Cela n’est pas la foi chrétienne. Alors les pères du Concile de Nicée ont tranché. Ils ont professé la foi chrétienne : le Fils de Dieu est consubstantiel au Père. Querelle de mots, me direz-vous ? Non ! Vérité de foi, vérité de l’annonce de la foi, vérité qui devient le fondement pour construire concrètement sa vie.

Chers frères et sœurs, parler de la Trinité, parler du Père, du Fils et de l’Esprit Saint pourrait paraître si loin de vos préoccupations quotidiennes. En réalité, c’est une question vitale que celle de connaître Dieu Trinité. Vitale pour votre foi, vitale pour votre espérance, vitale pour que votre charité se construise sur et s’oriente vers Dieu lui-même. Dans quelques instants, en professant le Symbole de Nicée-Constantinople, donnez du poids à chaque mot : c’est sur eux que vous devez construire votre vie. Vous ne les comprenez pas ? Alors cherchez, creusez, interrogez… il en va de votre vitalité chrétienne !