Chanoines réguliers de Prémontré
21
Juin
S. Louis de Gonzague
Écrit par F. François-Marie

29 mai 2025 – Ascension du Seigneur

Le cœur de la foi et du salut, c’est la résurrection du Christ. Saint Paul le dit aux Romains : « si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé » (Rm 10, 9).

Mais il existe deux événements de salut majeurs, issus de la Résurrection et qui font pleinement partie du mystère pascal : l’Ascension et la Pentecôte. Ils déploient tout le potentiel contenu dans la Pâque du Christ. En effet, le temps des apparitions de Jésus ressuscité se présente, pour les disciples, comme un temps inachevé : il faut encore que Jésus entre de manière définitive dans la gloire divine. C’est ce qu’il dit à Marie-Madeleine au matin de Pâques, dans l’évangile de saint Jean : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.’ (Jn 20, 17). Les disciples eux-mêmes rêvent encore d’un salut réduit et limité à l’échelle politique et territoriale d’Israël, comme ils l’expriment au début des Actes des Apôtres : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » (Ac 1,6). Et il faut donc que les disciples soient remplis d’une force venue d’en-haut qui va pleinement transformer la communauté chrétienne, cette force reçue à la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint, ce don qui va déployer la portée universelle du Salut offert par le Christ pour « le monde entier » et « toute la création », comme le dit la finale de saint Marc (Mc 16,15).

L’Ascension fait bien partie du contenu de la foi chrétienne, distincte de la Résurrection et de la Pentecôte. Elle est mentionnée dans les professions de foi dès l’origine du christianisme, même si, d’un point de vue liturgique, nous n’avons pas, jusqu’à ce jour, d’un point de vue historique, la connaissance de l’existence d’une fête liturgique spécifique de l’Ascension avant le IVe siècle. Mais dans la confession de foi, l’Ascension est clairement explicitée, comme le pendant de l’Incarnation. Le credo dit du Christ : « pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel ». A cette descente du ciel, répond la montée du Christ au ciel, à l’Ascension. Ce ciel, c’est plus et autre chose que l’espace des étoiles et de la lune, bien sûr, c’est le monde propre de Dieu, au-delà de l’univers créé, c’est le lieu même de la gloire divine. Or ce n’est pas seulement le Verbe de Dieu qui remonte auprès du Père, mais avec lui l’humanité qu’il a prise en s’incarnant. Et cette humanité, ce n’est pas seulement l’âme humaine de Jésus, mais aussi son corps humain, puisque c’est bien le Christ tout entier qui est ressuscité d’entre les morts. C’est l’unique Christ, vrai Dieu et vrai homme qui a part à la gloire du Père. On pourrait s’arrêter là, mais évidemment ce ne serait pas suffisant, car dans ce cas, l’Ascension ne serait pas un mystère de salut pour nous, mais seulement un nouvel état de glorification pour Jésus seul. Or ce que le Nouveau Testament affirme, c’est qu’avec la montée de Jésus au ciel, c’est non seulement l’individu Jésus, mais l’humanité toute entière qui est pleinement engagée dans cet événement. Comme Jésus le dit à Marie-Madeleine : je montre vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Ce qu’annonçait l’Incarnation, c’est de pouvoir unir dans le Christ toute l’humanité, si bien que dans le Christ, c’est l’humanité entière qui remonte au Ciel, qui a part, en espérance, à la gloire de Dieu, à la participation à la vie du Père en devenant fils dans le Fils.

Ce mystère est grand. Saint Paul l’exprime aux Éphésiens en disant le terme vers lequel nous tendons : « que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. » (Ep 4, 13).

Cette entrée du Christ au Ciel et avec lui de l’humanité entière, unie à lui comme le corps est uni à la tête, tel est le salut qui nous est donné et que nous recevons, pour ainsi dire passivement. Nous sommes incapables par nous-même de nous élever jusqu’aux cieux, jusqu’à Dieu. Et pourtant, nous n’avons pas rien à faire, quelle sera notre part, dans ce mystère de l’Ascension ? J’en perçois au moins deux aspects. Le premier est celui de garder l’unité et le deuxième de prendre soin du corps tout entier.

Garder l’unité. C’est notre père saint Augustin qui s’exprime le plus clairement à ce sujet. Commentant le psaume 122, il écrit : « Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est au ciel, dit Jésus. Il semble ne parler ainsi que de lui seul, commente saint Augustin, et il poursuit : Les autres sont donc demeurés ici-bas, puisque celui-là seul est remonté, qui seul était descendu. Que doivent faire les autres ? S’unir à son corps, afin de faire qu’un même Christ, qui est descendu, puis remonté. La tête est descendu, elle remonte avec le corps ; le Christ s’est revêtu de son Église, qui l’a rendue sans tache et sans ride. Seul donc il est remonté. Mais lorsque nous sommes unis à lui de manière à devenir ses membres, il n’est plus avec nous qu’un seul Christ, un et toujours un. L’unité nous joint à celui qui est un. Il n’y a donc, pour ne point monter avec lui, que ceux qui n’ont point voulu s’unir à lui ». (Commentaire Ps 122)

Veillons, frères et sœurs, à l’unité de l’Église, à ne pas nous diviser, par exemple à ne pas délaisser l’Église une, pour des assemblées qui ne seraient pas en communion avec l’Église !

Le deuxième appel, c’est de prendre soin justement de ce corps du Christ, parce qu’il est appelé à passer tout entier en Dieu. Saint Luc, quand il parle de l’Ascension de Jésus, dans l’Évangile, donne une indication de lieu : « Jésus emmena ses disciples au-dehors, près de Béthanie » (Lc 24, 50). Béthanie, c’est le lieu où, avant sa Passion, selon la tradition johannique, Marie la sœur de Lazare, répand un abondant parfum sur les pieds de Jésus. Au jour au Jésus monte au ciel, nous est rappelé le geste de cette femme aux pieds de Jésus. Si la tête du Corps qu’est l’Église, le Christ, est monté au Ciel, le reste de son Corps est encore sur la terre, ce Corps dont il faut prendre soin. Comme nous le rappelle saint Paul : « Dieu a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. » (1 Co 12, 25) Et saint Augustin commente : « L’Église endure la faim, le corps du Christ a faim, cet homme répandu dans tout le monde, dont la tête est dans le ciel et les membres sur la terre. Comme il parle dans tous les psaumes pour y chanter ou y gémir, pour tressaillir de ce qu’il espère, ou pour soupirer de ce qu’il endure, nous devons connaître sa voix, être familiarisées avec elle, puisqu’elle est la nôtre. » (Commentaire Ps 42)

Dans l’espérance d’avoir part à la joie du Ciel, gardons à cœur l’unité de l’Église et prenons soin les uns des autres, comme on prend soin des membres de son propre corps. Amen !