25 mai 2025 – VIe dimanche de Pâques
Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole
Qu’est-ce que cela veut dire : il gardera ma parole ?
Me vient à l’esprit l’image d’un réservoir qui garde l’eau, ou d’une outre bien étanche, qui ne fuit pas.
Pour garder de l’eau, il faut un contenant qui ne soit pas poreux.
A l’inverse, on se souvient de la plainte du Seigneur envers son peuple Israël, dans le livre de Jérémie : « ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes, des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! » (Jr 2, 13)
Cela veut dire que nous sommes nous-mêmes un contenant, nous avons en nous un espace intérieur capable de recevoir et de conserver ce qui est précieux, qui a de la valeur, ce qui compte et dont il faut prendre soin. Quel trésor en effet : Jésus nous fait cette promesse : si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon père l’aimera, nous viendrons vers lui et chez lui, nous nous ferons une demeure. Quelle promesse !
Nous sommes appelés à être la demeure de Dieu. Le Père et le Fils habitent en nous. Mais pour qu’ils puissent résider et vivre en nous, encore faut-il que notre cœur soit un espace capable de recevoir, d’accueillir et de garder.
La parole du Seigneur est comme une source d’eau vive, mais s’il n’y a rien pour la retenir, rien pour la contenir, elle se répand inutilement à terre et se perd, comme une poche percée, une toile qui n’est plus imperméable.
Dans le langage biblique, on appelle cet espace, ce lieu intérieur, le cœur ou encore l’intériorité.
Un contenant, une demeure, c’est un espace dont on maîtrise l’accès, les ouvertures, les entrées et les sorties. Alors se pose la question : qu’est-ce que je laisse entrer, qu’est-ce que je laisse sortir de mon cœur ? Qu’est-ce que je laisse entrer ? N’importe quelle idée, n’importe quelle image, n’importe quelle parole venant de l’extérieur ? Qu’est-ce que je laisse sortir ? N’importe quelle pensée qui me passe par la tête, n’importe quelle remarque ou critique ? Vous connaissez l’expression : Avoir des idées sur tout, et surtout des idées !
Mais la parole du Seigneur, quant à elle, quelle place trouve-t-elle dans mon cœur ? Est-elle noyée au milieu de tant d’autres sentiments et pensées ? Y a-t-il en moi suffisamment de silence pour accueillir et garder une parole nouvelle, une parole différente ? Mon cœur est-il une demeure agréable à vivre ou un terrain vague sans âme, que je finis par déserter ? Si j’ai du mal à vivre en moi-même, comment pourrais-je être une terre hospitalière pour les autres ?
Car notre cœur n’est pas seulement un contenant, il n’est pas un bunker dont il faut surtout bloquer les issues et fermer à double tour toutes les portes. En effet, le cœur n’est pas seulement un contenant pour conserver quelque chose, de l’eau par exemple, qui tôt ou tard va peut-être se dégrader, perdre sa fraîcheur, avec le risque que l’eau stagnante ne croupisse. Un cœur trop fermé devient un cœur dur, et l’eau deviendra alors un liquide amer, un fiel rempli de toute sorte de frustration, de rancœur et de vanité.
L’auteur du livre des proverbes dit : « Plus que toute garde, préserve ton cœur, car venant de lui sont les sources de la vie » (Pr 4, 23) Le cœur n’est pas seulement un contenant mais aussi un lieu d’où émergent les sources de la vie. Il est le lieu du jaillissement continuel de la vie de Dieu. Telle est la promesse que Jésus nous a faite au Temple de Jérusalem : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » (Jn 7, 37-38)
Dieu ne peut pas me quitter, car il est lui-même le centre de mon cœur. Il faut que je laisse couler en moi cette vie de Dieu, que je la laisse jaillir et déborder vers les autres. Je pense par exemple aux premiers mots que le nouveau pape Léon XIV nous a dit, à la logia de Saint-Pierre, au soir de son élection. Il avait écrit quelques phrases sur un feuillet. Les premiers mots d’un pape, ont une importance considérable. C’est ce qui jaillit de son cœur, ce qu’il veut vraiment nous dire. Son émotion était palpable. De ces quelques mots, je retiens tout spécialement ceux-ci, à la fois si simple et si essentiels : « Dieu nous a aimé, Dieu nous aime tous, et le mal ne l’emportera pas, nous sommes tous dans la main de Dieu… Le monde a besoin de la lumière du Christ. L’humanité a besoin de lui comme d’un pont, pour être rejointe par Dieu et par son amour. »
Finalement, pour garder la parole du Christ, pour laisser jaillir les sources de la vie divine qui habitent en nous, nous ne sommes pas seuls. Jésus nous a promis l’Esprit Saint : « le Défenseur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, dit Jésus, lui vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». Cet Esprit habite l’Eglise, qui est le corps du Christ. Nous ne sommes pas seul, car Dieu ne délaisse pas son peuple, mais le guide inlassablement par son Esprit. C’est cet Esprit qui accompagnait les apôtres lorsqu’ils décidaient d’ouvrir leur cœur aux païens, aux premiers temps de l’Eglise. C’est ce même Esprit qui accompagne aujourd’hui l’Eglise, pour garder la parole du Christ, qui vibre au cœur de chacune de nos liturgies. Alors dans l’espérance, prions avec joie l’Esprit Saint, pour qu’il nous ouvre à la parole du Christ, à la vie du Père, qui demeure en nous et parmi nous.
Amen !