27 avril 2025 – IIe dimanche de Pâques
Ce jour-là, c’était un dimanche, premier jour de la semaine pour les juifs. Soir de Pâques. Le matin, les disciples avaient reçu le témoignage de Marie Madeleine qui disait avoir vu Jésus vivant, ressuscité, mais eux en étaient restés au tombeau vide. Seul Jean, « le disciple que Jésus aimait », en entrant dans le tombeau avait cru que Jésus n’était pas resté dans la mort. Pour l’heure, après la grande dispersion qui a suivi l’arrestation de Jésus, alors que la nuit tombe, les disciples sont enfin réunis… « Par crainte des Juifs », nous dit saint Jean. « Par crainte des Juifs »… Cette expression que Jean utilise de temps à autre dans son Évangile se rapporte toujours à l’incapacité ou au refus de parler ouvertement du Christ ou de passer pour son disciple. Nous voyons donc les disciples réunis, mais muets. Ils aiment toujours Jésus, mais leur foi et leur espérance ont été enterrées avec lui. Ils sont submergés par son absence. Tenaillés aussi sans doute par le regret de ne pas avoir eu le courage de rester à ses côtés lors de sa condamnation. Que dire et que faire maintenant ? Dans ce lieu verrouillé, que pouvaient-ils faire d’autre sinon prier ?
C’est alors que « Jésus vint et il était là au milieu d’eux ». Sa première parole de ressuscité est une parole de miséricorde : « La paix soit avec vous ». Ensuite « il leur montra ses mains et son côté ». N’aurait-il fait que montrer ses plaies ouvertes, sans la parole de paix, les disciples n’auraient vu que l’horreur de la crucifixion, accompagnée d’un secret reproche d’avoir abandonné Jésus. Mais il y a eu cette parole de Jésus : « La paix soit avec vous ! ». Et c’est à cette parole que les disciples ont reconnu Jésus. Comme auparavant Marie Madeleine avait reconnu Jésus lorsqu’il avait prononcé son nom : « Marie »… Après seulement vient l’envahissement de leur cœur : « ils sont remplis de joie » ; ils croient. Les plaies de Jésus ne sont plus des marques de torture, ce sont des plaies glorieuses, signes de son amour victorieux et de la miséricorde infinie de son Père. Non, nul reproche dans la bouche de Jésus, mais un renouvellement de confiance et un envoi en mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » et il souffla sur eux.
« Il souffla sur eux » : deuxième manifestation de la divine miséricorde. Geste de création qui renouvelle celui de la Genèse : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant ». Ce que Jésus réalise dans cet événement, est donc une nouvelle création. Il nous engendre à une vie nouvelle, don de la miséricorde divine, don de l’Esprit. Cet esprit que Jésus avait remis à son Père lorsqu’il avait expiré sur la croix, maintenant répandu sur les disciples. Les voici maintenant envoyés en mission de miséricorde : « A qui vous remettrez ses péchés ils seront remis ».
Les disciples ont vu et ils ont cru. Et leur foi a fait d’eux des témoins de la Résurrection et de la miséricorde de Dieu.
Voir et croire : ces deux mots sont souvent associés dans l’évangile de Jean. Il en est ainsi dans le passage d’évangile que nous venons d’entendre. « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », dit Jésus ressuscité à Thomas. Thomas, après avoir fait la sourde oreille pendant une semaine au témoignage des autres disciples finit par voir, il est invité à toucher, et que lui dit Jésus ? Non pas : tu vois maintenant ! Mais : « crois ! », « cesse d’être incrédule, sois croyant ». Et le voici croyant quand il tombe aux pieds de Jésus en s’écriant : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Pour lui comme pour tous les premiers témoins de la Résurrection de Jésus, il y a eu deux étapes : voir, recevoir un témoignage direct, et croire, qui va bien jusqu’à Dieu même, hors de notre prise humaine ordinaire en tout cas.
Mais n’est-ce pas de nous qu’il s’agit dans cette parole de Jésus : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » ? Sans avoir vu du tout, cette fois ? Mais ce n’est pas tout à fait exact. Il faut corriger : lui, Jésus, nous ne l’avons pas vu, mais nous sommes loin de n’avoir rien vu du tout.
N’oublions pas que les disciples sont partis de rien : une absence, un tombeau vide. Tant que le souffle de Jésus n’était pas venu sur eux ils n’étaient pas constitués en Eglise. Ils étaient désorientés. Mais nous, nous avons été engendrés à la vie nouvelle par notre mère, l’Eglise, nous avons reçu la nouvelle de la résurrection du Christ par le témoignage que nous avons lu ou entendu, par la tradition des écrits évangéliques, qui nous ont mis à l’écoute de l’enseignement des apôtres, une vie concrète en Eglise, dans la communion fraternelle, le repas eucharistique, la participation aux prières. Ce n’est donc pas tellement moins que ce qui a atteint les premiers disciples. Mais, comme eux, nous aussi, pas particulièrement moins équipés qu’eux, nous sommes invités au grand dépassement, à la grande confiance, qu’est croire.
Tous les jours nous sommes invités à rester ouverts dans la foi à la rencontre avec le Christ ressuscité.
L’ayant rencontré, dans la fidélité à la prière, l’attention à sa Parole et le partage de l’Eucharistie, je suis à même de le porter à mes frères et sœurs. Je peux devenir l’instrument de son action miséricordieuse et divinisante dans le monde. Jésus ressuscité est présent à toute notre vie quotidienne : dans nos maisons, dans la rue, dans notre travail.
Il est là, bien vivant, dans nos cœurs de baptisés.
Et c’est lui qui, à travers nous, fait vivre nos frères et nos sœurs.
Recevons l’Eucharistie comme une nourriture qui nous donnera la force d’être ses témoins fidèles. « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ».