Écrit par f. Maximilien

XXXè dimanche du T.O – 24 octobre 2021

Quand certains passent du rire aux larmes, d’autres pleurent de joie ou rient aux larmes. Se pourrait-il que, parfois, nos émotions s’entremêlent ? Quand les sentiments s’emmêlent, les réactions se mêlent. Écoutez comment il en est de même pour le prophète Jérémie. « Faites résonner vos louanges, s’exclame-t-il, et criez tous : ‘Seigneur, sauve ton peuple’ ». Dans la même phrase, Jérémie mêle louange et supplication. Louange car le Seigneur conduit les membres de son peuple « par un droit chemin où ils ne trébucheront pas » ; supplication car « ils avancent dans les pleurs ». Il y a, chez le prophète Jérémie, comme un amalgame de sentiments et d’émotions. Le cœur de l’homme est complexe. Quelle sera alors la réponse chrétienne à ce mélange de sentiments, à cette complexité du cœur ? Par exemple, comment tracer sa route lorsque les révélations du rapport Sauvé jettent l’une contre l’autre confiance et défiance, confiance en Dieu à laquelle notre cœur aspire et défiance envers ses ministres à laquelle nos sentiments conduisent ? Mais, de manière plus large, comment tenir droit dans l’espérance lorsque nous voyons notre propre péché ? Comment vivre de charité, sans céder aux sirènes de l’« à-quoi-bon » ?

La Parole de Dieu de ce jour, comme une Parole de vie, pour notre vie, nous donnera la réponse à ces questions. Avec Jérémie, acceptons tout d’abord la complexité de nos cœurs ; cela nous conduira, avec Bartimée, à retrouver l’honneur de suivre le Christ, et Lui seul.

Tout d’abord, repérons l’expression utilisée par Jérémie : « Seigneur, sauve ton peuple ». Le mot hébreu qui se cache derrière cette expression est de la famille du mot « hosanna ». Voilà un mot que nous connaissons bien. Nous chantons « Hosanna » à chaque eucharistie, dans le chant du Sanctus. Nous reprenons ici l’acclamation des Hébreux lorsqu’ils voient Jésus entrer triomphalement à Jérusalem : « Hosanna au fils de David ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Or, ce cri de jubilation mêle lui-même louange et supplication. Le terme « hosanna » est d’abord un cri d’appel : « Hosanna ! Viens à mon secours ! », s’écrit la femme de Tequoa au roi Joab dans le deuxième livre de Samuel ; « Hosanna ! Donne, Seigneur, donne le salut ! » chante le psalmiste dans le Psaume 117 ; « Hosanna » suppliaient les Hébreux lors de la grande fête des Tentes. Mais ce terme de supplication est devenu ensuite un terme de louange. De l’impératif « sauve-nous, Seigneur », le terme « hosanna » a ensuite traduit la joie : « Le Seigneur nous a sauvés ! Il nous sauve ! ». Ainsi donc, chez Jérémie, les sentiments se mêlent : « faites résonner vos louanges et criez tous : ‘Seigneur, sauve-nous’ », « Hosanna » ! Dans un premier temps, prenons conscience que ce mélange des rires et des larmes, de la joie et des pleurs, de la louange et de la supplication, font partie de notre prière, de notre cœur, de notre humanité. Prenons conscience de cela pour avoir le cœur en paix. Oui, Seigneur, se mêlent en moi rires et larmes, joie et pleurs, confiance et défiance. Accueille-moi tel que je suis !

Dans un deuxième temps, contemplons l’attitude de Bartimée. Il est le seul malade que Jésus guérit dont nous connaissons le nom. Il s’appelle Bartimée, c’est-à-dire fils de Timée. Son nom est une vocation. Aveugle, il ne voit que Jésus. Il appelle : « fils de David, prends pitié de moi ! » On veut le faire taire ? Il insiste : « fils de David, prend pitié de moi ! » Il donne à Jésus ce titre de « fils de David ». Par-là, il le reconnaît comme Messie. Jésus l’appelle. Alors Bartimée laisse son manteau au sol. Être appelé par Jésus l’oblige à laisser son ancienne condition derrière lui. Et Jésus lui fait recouvrer la vue. Celui qui était aveugle désormais voit ; celui qui était assis pour mendier se lève pour suivre le Christ. Le nom grec « Timée » signifie « honneur » ou « honoré ». Bartimée est fils de Timée, fils de l’honneur, fils honoré. Il est vraiment fils honoré, cet aveugle guéri, cet homme assis dorénavant debout, ce mendiant désormais disciple. Et s’il est disciple, s’il est debout, s’il est guéri, c’est parce qu’il est honoré par le Christ. Et s’il est ainsi honoré, guéri, debout, disciple, c’est parce qu’il avait les yeux fixés sur Jésus seul. Des yeux aveugles, mais des yeux qui ne voulaient voir que le Messie, le Sauveur. Lorsque nous sommes à terre, blessés, le cœur malade et l’âme meurtrie, n’est-ce pas en fixant le Christ, et le Christ seul, que nous serons remis debout par Lui ? La nourriture que nous recevons à cette Eucharistie, par les mains de ministres souvent défaillants, n’a-t-elle pas pour but de nous faire avancer sur le chemin de la vie chrétienne, de nous donner la force de l’Esprit pour qu’augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ? En reprenant et adaptant une parole de saint Augustin, que nous prions lors de l’office de notre père, disons avec cœur : Nous ne voulons aimer que Toi, nous ne voulons chercher que Toi, nous ne voulons servir que Toi, Seigneur, Seigneur, nous ne voulons être qu’à Toi !