Vigile Pascale – 16 avril 2022
J’ai discuté assez longuement cette semaine avec une jeune femme qui vient à l’abbaye pour la quatrième fois passer quelques jours de retraite. Elle n’est pas baptisée et ne sait pas vraiment dire si elle croit ou non. Mais pas à pas, elle découvre les signes d’une présence intérieure, d’un fondement, d’un socle sur lequel sa vie repose, une expérience personnelle mais qui rejoint aussi celles d’autres personnes rencontrées et qui sont croyantes. Quand elle échange avec des chrétiens qui parlent de leur foi, en particulier un ami prêtre ou les frères ici, à l’abbaye, elle est touchée par la paix qu’ils diffusent, ce sont ses mots. Maintenant elle aime s’avancer pour demander la bénédiction du prêtre, à la messe. Elle éprouve aussi le besoin que l’on prie pour elle, qu’on invoque sur elle la protection de Dieu, pour l’aider à avancer.
Je ne peux pas écrire l’avenir à sa place, mais progressivement, même si les mots lui manquent encore pour le dire, elle perçoit ce que peut être un Dieu créateur et sauveur et j’espère qu’un jour, elle sera là, présente, comme vous Aurélie, ce soir, qui avez fait ce long chemin jusqu’à demander le baptême, et qui allez recevoir en cette nuit de Pâques les sacrements qui vous introduirons pleinement dans la vie chrétienne : le baptême, la confirmation et la communion. Des membres de notre paroisse vous ont accompagné pour vous faire découvrir le contenu de la foi, en particulier deux d’entre eux, Benoît et Caroline, qui seront votre parrain et votre marraine. Ronan aussi, est à vos côtés. Le Seigneur a fait de lui, auprès de vous, le premier évangélisateur pour vous inviter à prendre ce chemin, Ronan, vous qui recevrez ce soir le corps du Christ pour la première fois. Merci de témoigner ainsi de votre foi auprès d’Aurélie. Le Seigneur n’a pas attendu que vous soyez pleinement initié à la foi chrétienne, que vous ayez fait votre première communion, pour faire déjà de vous un témoin, un missionnaire. Cela nous provoque, nous autres qui avons reçu tous les sacrements de l’initiation chrétienne, à être plus audacieux dans la mission.
Autour de vous en effet, nous sommes nombreux, rassemblés, en cette nuit de Pâques, et cette assemblée vous impressionne peut-être un peu. Mais il ne faut pas en avoir peur ! La plupart d’entre nous ici, en cette nuit, avons reçu en héritage ce contenu de la foi, parce que nos parents nous l’ont transmis. L’annonce de la foi, qui constitue le cœur de notre célébration de Pâques, le voici : Un amour nous attend, Dieu nous aime tant, qu’il nous a envoyé son Fils, il s’est fait homme, il a livré sa vie pour nous, pour nous délivrer de la mort, du mal et du péché, afin de nous faire vivre avec lui. Il a vaincu la mort, il est ressuscité. Il est le Vivant, comme les messagers l’ont dit aux saintes femmes venues au tombeau, elles qui s’attendaient à trouver un corps mort, pour l’embaumer de leurs aromates. Le cœur de notre foi est là : la mort n’a pas eu le dernier mot, Jésus a vaincu la mort pour toujours.
Avoir reçu la foi chrétienne dès son enfance est un trésor inestimable en effet. Nous sommes portés, nourris, guidés par cette foi. Les familles et les enfants que vous voyez ce soir, Aurélie, veulent, par ces célébrations de Pâques, fortifier leur foi, la nourrir encore davantage, pour la faire grandir en eux. Et vous-même, qui avez une petite fille de 5 ans, Louianna, vous avez tenu à ce qu’elle soit baptisée, pour lui faire connaître Jésus. Alors, il est vrai, on peut se demander : le chemin le plus facile, pour devenir croyant, n’est-ce pas d’avoir reçu dès l’enfance, de nos parents, de nos familles, un apprentissage de la foi ? Oui, je le crois, ce chemin est plus facile, plus efficace pourrait-on dire aussi, car souvent le chemin de foi des adultes qui demandent le baptême est long, difficile aussi. Surtout, quand on a fait l’expérience que la foi est un trésor inestimable, il est bien normal de vouloir le transmettre à d’autres, en commençant par ses propres enfants. Le chemin des adultes qui découvrent la foi est peut-être plus rude en effet, mais il n’en est pas moins beau.
Cependant, pour chacun, jeune ou adulte, ayant baigné dans la religion chrétienne dès notre enfance ou la découvrant à l’âge adulte, il s’agit non seulement de connaître un contenu de foi, mais d’y croire vraiment, personnellement. C’est pour cela que la transmission de la foi dans les familles est davantage qu’une éducation ! Il s’agit pour les parents d’être vraiment témoins, évangélisateurs, missionnaires en fin de compte, auprès de leurs enfants. Parfois ce sont les enfants qui à leur tour évangélisent leurs parents. Car il s’agit non seulement de pratiquer un ensemble de rites religieux, mais de rencontrer en vérité le Seigneur vivant, ressuscité, de découvrir qu’il a déposé en nos cœurs sa présence, son amour, son pardon, et de nous laisser conduire par lui, jour après jour, très concrètement, de le laisser guider nos choix de vie, en un mot de croire à l’Evangile. Souvenez-vous du premier jour du Carême, le prêtre qui vous a imposé les cendres vous a dit : « convertissez-vous et croyez à l’Evangile ».
Le signe que nous croyons vraiment à l’Evangile, quel est-il ? Il n’y en a qu’un : c’est que nous évangélisions à notre tour. Ne pourrait-il pas y avoir d’autres Aurélie, ce soir, en cette vigile pascale, à recevoir le baptême, si nous avions un désir plus grand d’annoncer l’Evangile à ceux qui ne le connaissent pas ? J’aimerais faire ce rêve : que chacun personnellement, nous ayons au moins avec une personne qui n’est pas baptisée une relation de confiance, d’amitié peut-être, et que nous l’aidions à découvrir le Christ, et un jour nous pourrions l’inviter à venir ici, à Mondaye, et pourquoi pas une fois à la vigile pascale ! Je ne sais pas trop où l’on pourra mettre tout le monde, mais on s’arrangera ! Bien sûr, la réponse de chacun à la proposition de la foi sera toujours un acte libre et personnel. Et c’est pour cela qu’il n’est pas question de chiffres, de quantité, de puissance, mais saint Paul pose la question : comment croire s’il n’y a personne pour annoncer ? (Rm 10, 14). Le pape François disait récemment, à Malte où le christianisme est, numériquement, en très fort déclin : « La joie de l’Église est d’évangéliser. Le vrai problème n’est pas de savoir si nous sommes peu nombreux, en quantité, mais si l’Église évangélise. »
En cette nuit de Pâques, frères et sœurs bien-aimés, nous désirons que le Seigneur nous fasse passer avec lui de la mort à la vie. La mort, ne serait-ce pas de rester enfermé en soi-même, entre nous peut-être aussi, ne serait-ce pas de rester muets et silencieux dans notre foi ? La vie, au contraire, nous ouvre au Seigneur ressuscité, elle est cet élan audacieux pour annoncer l’Evangile, parce que le Seigneur nous envoie témoigner de son amour. Oui, en cette nuit de Pâques, passons avec le Christ ressuscité de la mort à la vie ! Amen !