Chanoines réguliers de Prémontré
14
Déc
S. Jean de la Croix, prêtre et docteur
Écrit par f. Matthieu

7 décembre 2025 – IIe dimanche de l’Avent

C’est l’heure du bain !

C’est l’heure du bain ! Frères et sœurs qui parmi nous n’a pas en tête cette expression familière entendue récemment ou plus lointainement, pour nous-mêmes, ou pour des enfants que ce soit les nôtres ou ceux de notre entourage… c’est l’heure du bain ! Voilà l’annonce d’une journée qui se termine paisiblement quoi que pas toujours… Pour les adultes d’aujourd’hui parler de bain ou de baignoire serait plutôt un sujet de fâcherie, puisqu’une actualité récente inclurai la baignoire dans les six éléments dits de confort pour la révision du calcul de la taxe foncière. Finalement la salle de bain reste un lieu de conflit puisqu’il apparait dans un sondage[1] que 50 % des Français ne vivant pas seuls disent que la salle de bain est un sujet de chamaillerie, et je ne vous parle pas de notre salle de bain communautaire… !

C’est l’heure du bain, du grand bain car manifestement ils sont nombreux à venir de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région du Jourdain[2] pour recevoir de Jean-Baptiste ce baptême dans l’eau du fleuve. Chacun répond à son appel à la conversion, à son annonce du royaume des cieux qui s’est approché.

Appel à la conversion

Conversion ? Mais ce terme ne nous dérange-t-il pas un peu ? Le philosophe Paul Ricœur[3] écrivait « ce terme de ‘conversion’ signifie bien plus que faire un choix nouveau, il implique un changement dans la direction du regard, un retournement de la vision, de l’imagination, du cœur avant toute forme de bonnes intentions et toute forme de bonnes décisions et de bonnes actions. »

On pourrait croire frères et sœurs que la conversion est comme un flash, un instant privilégié dans une existence, or c’est bien plus que cela : c’est une vie toute entière qui débute, qui s’inscrit dans une rencontre, mais c’est surtout un cheminement qui dure une vie entière. Nous ne sommes pas là pour regretter une vie passée, nous arrêter sur un remords passager ou une culpabilité malsaine qui nous pousserait à changer. Ceci ne ferait que ramener l’homme sur lui-même et sur ses fautes. La conversion est comme un pèlerinage d’amour qui ramène l’homme vers Dieu. Et cela n’est possible QUE parce qu’il y a eu alliance. Alliance de Dieu avec son peuple, alliance de Dieu avec sa créature, pacte initial entre Dieu et l’homme. Mais une alliance que l’homme rompt.

Les catéchumènes et ceux qui s’approchent de l’Eglise parlent volontiers de leur conversion, comme d’un instant déterminé et déterminant de leur existence. Mais peut-être que l’apostrophe de Jean-Baptiste s’adresse aujourd’hui surtout à nous, à nous qui sommes déjà baptisés, croyants et disciples du Christ. Le Catéchisme nous le rappelle :

« L’appel du Christ à la conversion continue à retentir dans la vie des chrétiens. Cette seconde conversion est une tâche ininterrompue pour toute l’Église qui enferme des pécheurs dans son propre sein et qui est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et qui poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement. [4]» 

Le royaume des cieux est proche

Quand saint Matthieu écrit que le Royaume des cieux est tout proche[5] cela signifie aussi le règne de Dieu est venu jusqu’à nous[6] c’est-à-dire, le royaume des cieux s’est approché au point de vous atteindre et de vous placer devant la possibilité et la nécessité inéluctable de la conversion.

Dans cet appel à la conversion et à la venue du Royaume des cieux jusqu’à nous, nous oublions que le Seigneur continue de passer devant la porte de notre cœur et qu’il accueille celui qui l’attend. Or vous le savez bien, il n’y a pas de réel, de véritable accueil sans attente. Sans attente, sans désir de Dieu alors nous demeurons, aveugles et sourds à sa parole et à sa présence.

Le désir est comme l’âme de notre âme, c’est donc bien l’espérance que nous devons réveiller dans nos cœurs. Mais nos cœurs ne sont-ils pas en hiver ? Le vert a disparu, les arbres ont perdu leurs feuilles, les sols sont en friches…et nous avons mis l’espérance à la lisière de nos vies. Quand l’espérance manque, la mort fait bombance.

Alors que oui : l’Espérance n’est pas l’illusion que tout ira bien demain, mais la certitude que Dieu est avec nous, quoiqu’il arrive. Sa parole est créatrice, sa parole est promesse ; lui reste fidèle car il ne peut se renier lui-même.[7] C’est là bien toute l’histoire du peuple d’Israël fondée sur l’espérance, sur la promesse de Dieu qui le fait entrer dans une terre promise et lui offre la venue du Messie.

Mais nos cœurs frères et sœurs, nos cœurs sont lourds pour ressentir la présence de Dieu dans nos vies. Pourquoi parce que nous sommes habités par un moi possessif, orgueilleux, nous voulons exister par nous-mêmes, nous cherchons à attirer l’attention sur nous, comme une plaine chercherait à devenir une montagne ou une colline.

De quelle préparation, de quelle purification avons-nous donc besoin pour que le Christ vienne habiter nos cœurs ? Notre Père Saint Augustin répond ainsi dans un sermon[8] : Le Seigneur est proche de tous ceux qui se sont brisé le cœur. Ne cherche donc pas une haute montagne pour te croire plus voisin de lui. Si tu t’élèves, il s’éloigne, si tu t’humilies, il s’abaisse. […] Comment nous réjouir dans le Seigneur s’il est tellement loin de nous ? C’est TOI qui l’approches et l’éloignes. Aime-le et il demeura en toi. Le Seigneur est proche ne t’inquiètes de rien ».

L’avent c’est le temps du grand bain dans l’espérance de cette rencontre, un bain de jouvence donné à notre vie spirituelle.

Aujourd’hui, je rendrai grâce pour mon baptême. Je rendrais grâce de ce premier bain dans lequel j’ai été plongé.


[1]https://www.20minutes.fr/societe/1616727-20150527-francais-passent-moyenne-9-minutes-sous-douche

[2] Mt 3.5

[3] Paul Ricœur, L’herméneutique biblique, Cerf, p. 259

[4] CEC, § nº1818

[5] Mt 3,1

[6] Mt 12,28

[7] 2 Tm 2,3

[8] Saint Augustin sermon 31, 2 sur l’évangile de Matthieu