3è dimanche de l’Avent – 12 décembre 2021
« Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : Soyez dans la joie, le Seigneur est proche ». Aujourd’hui est le dimanche de la joie, dimanche de Gaudete. Ce mot latin reprend l’antienne d’entrée de la messe : Gaudete in Domino semper – Soyez toujours dans la joie du Seigneur. Il s’agit de l’exhortation de saint Paul aux Philippiens que nous recevions en deuxième lecture. La couleur des ornements, l’exhortation de saint Paul, le cantique d’Isaïe, la prophétie de Sophonie ou encore la prière d’entrée de la messe, partout, il est question de la joie. Mais de quelle joie parlons-nous ? Pour quelle raison faut-il nous réjouir ? On imaginerait bien d’attendre le jour de Noël pour laisser éclater la joie : après avoir tant attendu, la venue du Seigneur nous comble alors de joie. Mais ici et aujourd’hui, au milieu de l’Avent, au cœur du temps liturgique qui nous fait attendre la venue du Christ, quel est le sens de la joie ? La liturgie nous fait vivre aujourd’hui la vraie joie, la joie chrétienne, la joie parfaite : une joie toute teintée de la belle couleur de l’espérance. Espérance d’une rencontre à venir parce qu’une rencontre a déjà eu lieu par l’Incarnation. Pour donner à notre joie la belle couleur de l’espérance, faisons résonner ce mot dans les deux évangiles qui racontent la naissance de Jésus, ceux de Matthieu et Luc. Regardons comment les évangélistes décrivent la joie de ceux qui rencontrent Jésus.
Avec Matthieu, tout d’abord, la joie est un préalable à la rencontre du Seigneur. Le mot joie apparaît pour la première fois dans le Nouveau Testament au début de l’Évangile de Matthieu, dans le récit de l’adoration des mages. Matthieu écrit : « quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. » Alors, immédiatement, il continue : « Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui » (Mt 2, 11). La joie des mages précède et annonce la rencontre avec le Seigneur. Chez cet évangéliste, le mot joie apparaît plusieurs fois dans la bouche de Jésus, dans des récits, discours ou paraboles. Mais il n’apparaît qu’une seule autre fois pour décrire l’attitude de quelqu’un qui rencontre le Seigneur. C’est le matin de Pâques. Lorsque les saintes femmes se rendent au tombeau, un ange leur annonce la bonne nouvelle de la résurrection. Alors, Matthieu écrit : « vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie ». Immédiatement après, en se mettant en route, « Jésus vint à leur rencontre. Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui » (Mt 28, 9). Là encore, pour la deuxième fois dans le même évangile, la joie précède la rencontre du Seigneur et l’adoration. Ainsi, la joie chrétienne prépare et anticipe la rencontre avec le Seigneur.
Dans le même temps, la joie est un fruit de la présence du Christ. Dans l’Évangile selon saint Luc, la première apparition du mot joie concernant le Christ est dans l’annonce d’un ange aux bergers, la nuit de Noël : « voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, vous est né un Sauveur » (Lc 2, 10-11). Le Christ est né, et le fruit de la rencontre de Dieu et de l’homme en Jésus est une grande joie. Ensuite, comme chez Matthieu, Luc mettra le mot joie dans la bouche de Jésus, dans des discours ou paraboles. Mais il l’utilisera aussi pour qualifier ceux qui rencontrent le Christ : Zachée qui accueille le Seigneur dans sa maison « avec joie » (Lc 19, 6), la foule des disciples qui est « remplie de joie » (Lc 19, 37) devant les miracles accomplis. Même Hérode « éprouve une joie extrême » (Lc 23, 8) lorsqu’il rencontre le Christ à l’heure de sa passion. N’oublions pas la joie des disciples qui retrouvent le Ressuscité sur les bords du lac le matin de Pâques (Lc 24, 41). Pour l’évangéliste Luc, la joie est le fruit d’une rencontre avec le Christ.
Puisque la joie est le fruit d’une rencontre et en même temps un préalable nécessaire à cette rencontre, alors la joie chrétienne est une joie d’espérance. C’est la joie de celui qui attend la venue du Seigneur, de celui qui veille dans l’espérance, avec cette certitude que le Seigneur vient. « Soyez dans la joie, le Seigneur est proche ». La joie chrétienne est la joie de celui qui attend avec foi et confiance ce que le Seigneur a promis et a déjà réalisé. La joie d’une rencontre qui a déjà eu lieu et qui aura lieu bientôt.
Le Seigneur est déjà venu dans la chair il y a deux mille ans. Et je suis certain que nous avons tous déjà fait l’expérience de sa venue dans nos vies, par la Parole reçue, par l’Eucharistie célébrée, par les sacrements vécus, par la charité expérimentée. Et cela est source de joie. D’une joie pleine d’espérance. De même qu’il est déjà venu, il vient et il viendra. Il est déjà venu, et nous sommes dans la joie. Il reviendra, et notre joie anticipe cette venue. Écoutez saint Augustin qui commente l’épître aux Philippiens : « mes frères, soyez joyeux dans le Seigneur. Soyez joyeux dans l’espérance de l’éternité. C’est ainsi qu’il vous faut être joyeux : en tout lieu et en tout temps où vous serez, le Seigneur est proche, ne soyez inquiets de rien[1].»
Frères et sœurs. Autour de nous, que notre joie rayonne. Dans notre monde, que notre joie résonne. De l’espérance, que notre joie en redonne. Par nos sourires, que notre joie questionne. Au fond de nos cœurs, que la vraie joie foisonne. Maranatha, viens, Seigneur Jésus !
[1] Augustin, Sermon 171.