27 juillet 2025 – XVIIe dimanche du temps ordinaire
Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.
Aujourd’hui, le Seigneur nous assure que celui qui demande reçoit, que celui qui cherche trouve et que celui qui frappe se voit ouvrir la porte. Pourtant, vendredi dernier nous avons fêté saint Jacques et dans l’évangile de ce jour, nous avons vu la mère de Jacques et Jean demander à Jésus que ses fils siègent à sa droite et à sa gauche… Et elle n’a pas reçu ce qu’elle demandait ! Ailleurs dans l’évangile, un démoniaque libéré supplie Jésus de pouvoir le suivre. « Mais Jésus n’y consentit pas… » Et moi, qui porte des intentions de prières depuis des années. Et rien ne se passe… Pourtant « demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. » Pourquoi !? Cette question nous brûle les lèvres et on peut se répandre en conjectures de toutes sortes pour essayer de trouver une réponse. Toutefois, on le sait bien, une telle démarche est un peu hasardeuse car le risque de s’enliser dans des contradictions inextricables est grand. Si chercher une réponse simple à cette question complexe est peine perdue, cela doit tout de même nous conduire à interroger notre propre rapport à la prière de demande. Car notre manière de demander à Dieu est un bon révélateur de l’image que nous avons de Lui. Cette image est toujours à purifier, à convertir et il en va de même pour notre manière de prier et de demander.
Je vous propose donc de regarder de plus près notre prière de demande. Je vous propose de regarder d’abord la prière du vieil homme, la prière du païen, puis de regarder ensuite comment convertir notre prière.
La mythologie nous donne de nombreux exemples de prières païennes. Dans l’Odyssée, on voit Ulysse à de nombreuses reprises rentrer en marchandage avec les dieux pour obtenir une information, un secours ou autre. Quand il est en péril sur un radeau au milieu d’une mer déchainée, ne sachant plus vers qui se tourner il appel désespérément au secours : « Roi de cette onde, quel que soit ton nom, écoute-moi ! » Nous avons aussi des exemples dans la Bible, par exemple au livres des Rois, où les prophètes de Baal multiplient les prières et se taillades les veines pour obtenir ce qu’ils veulent. De nombreux autres exemples pourraient être trouvés… Ces prières ont de communes deux éléments : d’une part elles sont un véritable marchandage avec la divinité et d’autre part elles sont entièrement centrées sur les besoins de celui qui prie.
Quant à nous, nous voyons bien que cette prière païenne ne convient pas pour un chrétien, mais pourtant nous n’en sommes jamais tout à fait affranchis. Nous courons toujours le risque que notre prière ait une légère teinte de rapport commercial. Je fais ce pèlerinage pour obtenir telle grâce (et quelque part au fond de moi, même si je ne l’avoue pas je trouve que Dieu me le doit bien). Nous pouvons avoir la tentation d’accumuler les chapelets comme les prophètes de Baal accumulent leurs incantations ou comme on ajoute du poids sur le plateau d’une balance. Nous courons aussi le risque d’avoir recours à la prière pour obtenir ce dont nous avons besoin. C’est vrai qu’on prie plus spontanément dans les difficultés que quand tout va bien.
Qu’est-ce que l’on aime le plus : Dieu ou ce que l’on demande à Dieu ? Evidemment, nous ne sommes pas des païens… Mais il peut nous arriver de faire de Dieu un dieu assez complaisant que l’on sollicite au gré de ses besoins et dont on regrette qu’il ne réponde pas quand on appelle…
Je crois que c’est vraiment là que nous devons opérer une conversion et saint Paul nous y aide dans la Lettre aux Romains. « Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 1-2) La première étape est donc de se transformer en renouvelant sa façon de penser, pour savoir reconnaitre la volonté de Dieu. Avant de s’intéresser à ce que l’on va demander, il faut s’intéresser à Dieu lui-même. D’ailleurs, c’est comme ça qu’est organisé le Notre Père : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite, puis ensuite donne nous notre pain quotidien. À l’office (aux laudes et aux vêpres) nous commençons par chanter les psaumes, le Benedictus, le Magnificat, avant de demander dans une prière d’intercession. Et c’est encore comme cela à la messe où on écoute la Parole de Dieu avant de demander dans la prière universelle.
La toute première chose est donc d’apprendre à viser la gloire de Dieu et le salut du monde, puis à partir de là adresser une demande qui soit discernée à la lumière de cette finalité.
Autrement dit, la conversion de notre prière de demande revient à se décentrer de soi, pour renoncer à mettre la main sur Dieu mais au contraire, affiner sa vision intérieure pour demander à recevoir ce que le Seigneur veut nous donner.
L’obéissance religieuse peut servir d’illustration à la prière de demande. Le religieux obéissant n’est pas celui qui demande l’autorisation pour tout ce qu’il a envie de faire. Le religieux obéissant est celui qui discerne par lui-même ce qu’il est juste et bon de faire (pour lui et pour la communauté) et d’une certaine manière, qui demande au supérieur la confirmation que son discernement est juste. En principe, un supérieur devrait toujours pouvoir répondre oui !
Serait-il plus juste d’arrêter tout simplement de demander ? Non ! D’une part parce que le Seigneur nous invite à le faire et d’autre part, parce que le Seigneur n’est pas le seul à entendre notre prière. Nous l’entendons aussi ! Et saint Augustin nous dit que les mots de la prière transforment (ou donnent forme) à notre vie intérieure. Notre prière elle-même convertit notre prière ! « Le Seigneur notre Dieu n’a certes pas besoin que nous lui fassions connaître notre volonté car il ne peut l’ignorer, mais qu’il veut par la prière exciter et enflammer nos désirs, pour nous rendre capables de recevoir ce qu’il nous prépare. Or ce qu’il nous prépare est chose fort grande, et nous sommes bien petits et bien étroits pour le recevoir. » Alors demandons, cherchons, frappons !
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent !