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1er dimanche de l’Avent – 28 novembre 2021

Chers frères et sœurs,

Nous entrons aujourd’hui dans le temps de l’Avent, essayons de nous redire à nouveau, de quoi nous parlons, ce qu’il s’agit de vivre. Le mot avent vous le savez bien, vient de adventum, la venue : ecce advenit, voici qu’il vient, voici qu’il arrive. Qui ça ? Jésus bien sûr. Et en parlant de l’avent, nous pensons spontanément qu’il faut nous préparer le cœur à la venue de Jésus à Noël. Et certes nous allons faire mémoire avec émotion dans quatre semaines de Dieu petit enfant qui dort dans la paille, au souffle réchauffant du bœuf et de l’âne. Nous allons faire mémoire de l’incarnation du Fils de Dieu dans notre chair d’homme. Mais ce temps de l’avent n’est pas simplement une période pour préparer l’anniversaire d’un événement historique, fût-il de dimension divine, centrale. Ce temps de l’avent nous parle aussi d’une autre venue – et même de deux autres venues, tout aussi considérables que celle de Noël.

D’abord, la venue du Seigneur aujourd’hui dans ma vie. C’est bien d’attendre quatre semaines, mais il vient maintenant. Je pense toujours, avec la joie au cœur, à la parole de Jésus à Zachée (Luc, 19) : aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi. Aujourd’hui. L’amour, ce n’est pas « je t’aimerai demain », c’est « je t’aime aujourd’hui », l’amour se conjugue au présent, au quotidien, sinon il n’est pas l’amour. Le Seigneur vient maintenant dans ma vie, il est la force, la joie, le désir, la beauté, la bonté qui m’habitent maintenant. Le Seigneur vient maintenant et je ne sais pas à l’avance quel est son visage, parce qu’il en a beaucoup, il est le pauvre qui frappe à ma porte, il est ce voisin ou ce prochain qui a besoin de moi, ce conjoint qui a besoin de mon sourire, de ma tendresse, cet ami qui me demande de l’aider, de le soutenir, de l’aimer. Jésus vient, et il me dit : « Tu es là pour moi » ? Frères et sœurs, aujourd’hui dimanche 28 novembre, c’est l’avent, Jésus vient, ce matin, et il me dit : « Est-ce que tu es là pour moi » ? Dans un instant, il est présent sur cet autel, donné, offert, livré, pain du ciel et pain de ma vie, et il me dit : « Est-ce que tu es là pour moi » ? Est-ce que tu me prends, est-ce que tu m’accueilles, est-ce que je transforme ta vie aujourd’hui ?

Il y a encore une autre venue, un autre « avent », c’est celui dont parle Jésus dans l’évangile de ce matin. Il dit : Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. « Ce jour-là » dont Jésus parle, c’est le dernier jour. Le dernier jour du monde, le dernier jour de ma propre vie aussi. Or ce jour-là, dit Jésus, vient à l’improviste. Il n’y a plus de temps pour terminer ce qu’on a commencé, pour réparer les torts qu’on a pu faire, pour demander pardon à ceux qu’on a pu offenser, ou simplement pour dire à ceux qu’on aime qu’on les aime, ou pire, plus de temps pour commencer à aimer vraiment, à se donner vraiment, si on n’y a pas encore songé. Ce jour-là, on est tout à coup face à l’amour-même de Dieu. Mon cœur est-il prêt pour ce jour-là, mon âme sera-t-elle assez pure, assez belle, assez joyeuse pour le réjouir, Lui mon créateur ?

Le pape Pie XI – qui sera bientôt le seul pape contemporain qu’on n’a pas canonisé, mais qui est de loin l’esprit le plus raffiné et cultivé de tous les papes du XXe siècle – Pie XI demandait, paraît-il, la grâce de mourir à l’improviste. C’est curieux parce que les gens demandent plutôt d’avoir le temps pour se préparer, mais c’est Pie XI qui avait raison, il disait que le chrétien doit prévoir sa mort par toute sa vie. Une vie droite et belle n’est pas surprise par la venue finale du Seigneur. Les saints nous enseignent cela. Un ami, cette semaine, nous lisait la dernière lettre de Guy de Larigaudie, rédigée juste avant de mourir, à l’âge de 32 ans, sur le front luxembourgeois, le 11 mai 1940. Il écrit : J’avais tellement la nostalgie du Ciel et voici que la porte va bientôt s’ouvrir. Le sacrifice de ma vie n’est même pas un sacrifice tant mon désir du Ciel et de la possession de Dieu est vaste. Guy de Larigaudie savait ce qu’était l’avent.

L’avent de Noël, l’avent de chaque jour, l’avent du dernier jour. Voilà de quoi nous tenir éveillés, debout, heureux. Bon avent à tous, Amen.