19 mars 2023 – IVè dimanche de Carême
Lorsque j’étais enfant, mes parents étaient investis dans le catéchuménat de leur paroisse. Aussi, tous les quinze jours, ceux qui se préparaient au baptême passaient-ils la soirée à la maison pour découvrir que l’amour de Dieu, dont ils avaient fait l’expérience et qui les avaient conduit à demander le baptême, avait un nom et un visage : Jésus-Christ. Lors de ces soirées, Papa, qui n’a pas son pareil pour racontait les histoires, leur faisait découvrir l’Histoire Sainte et la vie de Jésus. Qu’est-ce que j’aimais ces soirées ! Au bout de deux ans, le soir de Pâques, ces catéchumènes étaient baptisés à la paroisse. Ce soir-là, à nouveau, ils se laissaient toucher par le Christ. Mais, cette fois, ce Dieu qui les avait bouleversés quelques années plus tôt, avait un nom et un visage : Jésus-Christ. Pour les chrétiens « vieux de la vieille » que nous sommes, la fréquentation des catéchumènes ne laisse pas de nous interpeller. Et si, aujourd’hui, nous nous laissions convertir par l’Évangile de l’aveugle-né et l’expérience de foi des catéchumènes ?
Les catéchumènes sont l’aveugle-né de l’Évangile de ce jour. Comme lui, un jour, le Bon Dieu les a saisis. Ils n’avaient rien demandé. Sans doute leur cœur avait-il été préparé de toute éternité. Toujours est-il que, ce jour-là, ils ont été saisis, bousculés par le Christ. Comme l’aveugle-né, les catéchumènes peuvent raconter cette rencontre bouleversante, sans trop savoir d’ailleurs quels mots utiliser. Dans l’Évangile, l’aveugle-né a la simplicité de dire sa méconnaissance de l’identité de son bienfaiteur, mais il ose témoigner de la vérité de cette rencontre : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Comme l’aveugle-né, les catéchumènes ne peuvent pas encore vraiment dire qui est Celui qu’ils ont rencontré, mais ils peuvent témoigner que cette rencontre a eu lieu. Véritablement. Durant leur catéchuménat, ces futurs baptisés sont confiés à des chrétiens – mes parents, par exemple. Ils sont alors enseignés sur l’identité de Celui que leur cœur aime déjà. Les chrétiens qui les enseignent – mes parents, par exemple – sont envoyés par l’Église. Ils représentent toute l’Église, le Corps du Christ. Et, avec leurs mots, ils s’adressent aux catéchumènes, comme Jésus lui-même s’est adressé à l’aveugle guéri : « “Crois-tu au Fils de l’homme ?” Il répondit : “Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ?” Jésus lui dit : “Tu le vois, et c’est lui qui te parle.” » Les chrétiens qui accompagnent les catéchumènes aident les futurs baptisés à connaître Jésus. Comme l’aveugle-né, les catéchumènes ont besoin d’aide pour cela. Lors de leur rencontre initiale avec le Bon Dieu, l’aveugle-né et les catéchumènes ont été guéris de leur cécité. Mais cela ne suffit pas pour Le reconnaître. Il a fallu que Jésus intervienne auprès de l’aveugle-né ; il faut encore que l’Église et les chrétiens, c’est-à-dire le Corps vivant du Christ, intervienne et fasse découvrir qui est Celui qui les a guéris et poussés à la conversion. Au bout de deux années d’enseignement, les catéchumènes sont alors baptisés. Ils sont incorporés au Corps du Christ et marqués de l’Esprit Saint, le don de Dieu. Tels l’aveugle-né, désormais guéri et à qui le Christ s’est révélé, ils peuvent alors proclamer leur foi et reprendre les mots de l’Évangile d’aujourd’hui : « Je crois, Seigneur ! ». Alors, tels l’Aveugle-né, avec toute la communauté chrétienne en ce soir de Pâques, ils se prosternent devant leur Dieu et Sauveur auquel ils communient pour la première fois. Les catéchumènes sont l’aveugle-né.
Et nous, « vieux de la vieille », en quoi cela nous concerne-t-il ? Faisons une pause… relisons notre histoire sainte personnelle, notre propre cheminement de vie avec le Bon Dieu… Même si nous avons été baptisés enfants et n’avons donc jamais été catéchumènes, n’y a-t-il pas, dans nos propres vies, des instants éphémères où nous avons été saisis, bousculés par le Christ ? N’y a-t-il pas, dans nos histoires, des chrétiens qui nous ont accompagnés pour nous aider à grandir dans l’amour du Christ, pour nous conduire à mettre des mots sur la rencontre qui nous a changés ? Pour saint François d’Assise, cette rencontre avec le Christ a pris corps dans le baiser au lépreux ; c’est après vingt ans de vie au Carmel que sainte Thérèse d’Avila est saisie par l’amour du Christ et devient vraiment Thérèse de Jésus ; c’est alors qu’il est enfant que saint Maximilien Kolbe reçoit la grâce de choisir de donner toute sa vie au Christ, par Marie l’Immaculée. Cette expérience de Dieu que les saints vécurent, qu’ils fussent enfant, jeune homme ou femme d’âge mûr, nous pouvons aussi la vivre. Chers frères qui êtes là, devant moi : quel événement vous a poussés à donner votre vie au Christ dans cette communauté canoniale ? Et quels ont été les chrétiens qui vous ont aidé à poser librement le choix de vous donner rien à qu’à Lui et pour toujours ? Priez pour eux. Chers frères et sœurs rassemblés dans cette église : faites mémoire de votre histoire sainte. Tâchez de trouver, dans votre vie, ces moments où vous avez été touchés du doigt par le Christ, ces instants où, tels l’aveugle-né, vous avez été guéris de votre cécité spirituelle. Et rendez grâce à Dieu pour ces chrétiens, baptisés, consacrés peut-être, qui vous ont aidé à connaître plus en profondeur Celui que votre cœur aime. Enfin, parce que nous avons été, et que nous sommes encore, des aveugles-nés, alors prions les uns pour les autres. Que nous sachions nous rendre disponibles et prêts à accueillir à nouveau, et chaque jour, notre Dieu et Sauveur, Celui devant qui nous nous prosternons, Jésus, le Christ, à qui soit la gloire aujourd’hui et dans les siècles des siècles.