Chanoines réguliers de Prémontré
3
Déc
S. François-Xavier, prêtre
Écrit par f. Maximilien

30 novembre 2025 – Ier dimanche de l’Avent

« Quelle joie quand on m’a dit : “Nous irons à la maison du Seigneur !” Maintenant notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem » La première strophe du psaume 121 que je viens de rappeler nous fait partager la joie, emprunte d’action de grâce et de paix, du pèlerin qui, après avoir parcouru des kilomètres, arrivent enfin au but de son voyage, la ville sainte de Jérusalem. Ce psaume 121 fait partie d’un ensemble d’une dizaine de psaumes, regroupés usuellement sous le titre de « psaumes des montées ». Ils évoquent le pèlerin juif qui monte à Jérusalem, la ville sainte, terme de son pèlerinage. Il était parti de chez lui plein d’espérance ; le voilà aux portes de la ville. Alors monte en lui la joie et l’action de grâce. Ses mots se font bénédiction. Bénédiction pour la ville elle-même, choisie par Dieu pour y habiter ; bénédiction pour les habitants de la ville sainte, dont le nom signifie « ville de paix » : « Appelez le bonheur sur Jérusalem ; “paix à ceux qui t’aiment ! ».

Quand un chrétien prie ce psaume, ce que nous avons fait tout à l’heure, il met ses pas dans ceux du croyant qui a chanté ce psaume avant lui, mais il le chante non comme le pèlerin qui marche vers une ville, aussi sainte soit-elle, mais comme le chrétien qui se sait en route vers le Christ, lui qui est la Paix. Permettez-moi, ce matin, de méditer à partir de ce psaume, afin que nous prenions conscience du but de notre pèlerinage sur cette terre, de notre existence.

Le psaume 121 est relativement rare dans la liturgie dominicale. Sur tous les dimanches du cycle des trois années A, B et C, nous ne prions ce psaume que 2 fois. Ce n’est certainement pas un hasard si c’était la semaine dernière, pour la fête du Christ Roi et cette semaine. Le même psaume, deux dimanches successifs. Comme un fondu enchaîné, qui nous empêche de penser qu’il y a une rupture entre la fin de l’année liturgique, marquée dimanche dernier par la fête du Christ-Roi, et le début de la nouvelle année liturgique, aujourd’hui. Au contraire, le même mystère continue de s’accomplir. Le psaume 121 en marque l’admirable unité. La semaine dernière, après avoir chanté avec le psalmiste : « Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! », l’Évangile nous avait arrêtés au Golgotha, devant le Christ en croix. Souvenez-vous : Jésus a été crucifié aux portes de la ville sainte. Le psaume 121 trouvait une actualisation saisissante : nous étions le pèlerin, arrêté devant les portes de Jérusalem. Nous étions au pied de la croix. Notre action de grâce était celle du pécheur qui se savait sauvé : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ! » Dès lors, la joie du psalmiste pouvait devenir la nôtre, nous qui étions arrêté devant les portes de Jérusalem. Notre action grâce était teintée de la reconnaissance de l’œuvre de rédemption que le Sauveur accomplissait en mourant sur la croix.

Aujourd’hui, dimanche, quand nous chantons à nouveau « maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem », de quelles portes parlons-nous ? Serait-ce celles de la ville sainte, à côté de laquelle Jésus a été crucifié ? Oui, certainement. Enterré dans le jardin, il est ressuscité le troisième jour. Aujourd’hui, dimanche, comme tous les dimanches, nous célébrons la résurrection du Seigneur. Hier soir, lors de l’office des vigiles, les frères méditaient d’ailleurs un évangile de la résurrection. Le psaume 121 prend alors la résonance de la joie pascale : « maintenant notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem », devant ce tombeau vide d’où notre Seigneur est sorti, victorieux de la mort.

Est-ce tout ? Lorsque nous chantons, toujours aujourd’hui, « maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem », quelles portes évoquons-nous ? L’Évangile de ce jour, au chapitre 24e de saint Matthieu, nous fait entendre Jésus qui parle de « la venue du Fils de l’homme », de son retour glorieux à la fin des temps. La Jérusalem dont parle ce psaume, la Jérusalem aux portes de laquelle le pèlerin chrétien s’arrête et chante son psaume, dans la joie paisible et l’action de grâce, c’est la Jérusalem céleste, c’est le Royaume des cieux. Voilà qui donne du relief à notre existence, ici et maintenant. Tout à la fois au pied de la croix, dans l’action de grâce du salut opéré par Jésus, et dans le jardin de la résurrection, dans la joie du matin de Pâques, nous sommes aussi aux portes du Royaume céleste, de la vie éternelle. Nous voyons la ville, nous savons ce qu’elle est, alors nous chantons : « Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu’un ! » ; nous savons que la multitude y est appelée : « c’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur » ; en contemplant le Christ-Roi crucifié, nous avons rencontré le Souverain de cette ville, alors nous pouvons chanter au sujet de la Jérusalem céleste : « c’est là le siège du droit, le siège de la maison de David » ; parce que nous savons que le but de notre vie est de franchir ces portes éternelles, ces portes que le Roi de gloire a lui-même ouvertes par sa résurrection, nous promettons : « paix à ceux qui t’aiment ». Chers frères et sœurs, contemplez l’admirable unité du mystère que ce psaume 121 nous fait saisir. Mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, mystère de son retour glorieux à la fin de temps, mystère à l’intérieur duquel nos existences sont saisies et emportées. Je nous lance un défi : cette année, vivons l’Avent autrement ! Vivons-le dans la joie paisible du psalmiste, heureux de contempler les portes de Jérusalem. En voyant les portes, il est pris de la certitude que les portes s’ouvriront pour lui. Son cœur et tout son être est déjà dans la ville sainte, mais il lui reste encore quelques pas à franchir. Pour nous, vivons cet Avent dans l’espérance d’entrer un jour dans le Royaume des cieux, dont le souverain, le Christ Roi nous a déjà fait saisir la réalité. Vivons cet Avent dans la joie de l’espérance. Le voilà le défi : rayonner de la joie chrétienne aujourd’hui, et demain, en le jour d’après. Êtes-vous prêts à relever ce défi ? « Que la paix règne dans tes murs, frère chrétien, le bonheur dans tes palais ! ».