Chanoines réguliers de Prémontré
11
Sept
Écrit par f. Hugues

31 août 2025 – XXIIe dimanche du temps ordinaire

« Je ne suis pas digne de prendre la parole devant vous ce matin »

« Je n’ai vraiment rien à vous dire sur cet évangile, si ce n’est quelques banalités »

         Si je vous disais cela (ce qui n’est pas le cas…), je serais comme ceux qui font mine de se rabaisser devant les autres … afin que que les autres les relèvent : s’abaisser exprès pour être élevé…c’est ce qu’on appelle la fausse humilité, dont nous avons tous déjà eu l’expérience autour de nous (et parfois aussi en nous).

         Et on pourrait comprendre l’évangile que nous venons d’entendre comme une invitation à cette fausse humilité :

«  Quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

         En vérité, c’est ici à une fausse fausse humilité, c’est-à-dire à une vraie humilité, que nous sommes invités par le Christ.

         « Quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » : ce n’est pas là de la fausse humilité, tout d’abord car il s’agit d’être relevé par Dieu et non par les hommes.

         C’est ce que disait déjà la première lecture, du livre de Ben Sirac : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » :devant le Seigneur et non devant les hommes.

         C’est ce que dit, à sa façon, l’évangile, de manière plus imagée : Jésus parle de repas de noces/ de mariage, d’invités, de celui qui invite…mais il faut bien saisir qu’il s’agit d’une image de notre relation à Dieu :

– les noces, c’est en effet dans la Bible le symbole de la relation à Dieu ;

– celui qui invite, c’est Dieu,

– l’invité qui, choisissant sa place, prend la première ou la dernière, c’est chacun de nous.

         C’est bien pour plaire à Dieu qui sait ce qui nous rend heureux, et non pour se faire valoir devant les hommes, qu’il ne faut pas chercher la meilleure place.

         « Quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » : ce n’est pas là de la fausse humilité, ensuite car il ne s’agit pas de s’abaisser volontairement, mais plutôt d’accepter les abaissements/ les humiliations qui arriveront (c’est ainsi qu’on peut aussi traduire ces mots).

         Si on choisit soi-même ses humiliations (comme celui qui se met ostensiblement à la dernière place), il y a fort à parier qu’on choisisse ce qui pourra plus facilement nous élever aux yeux des autres.

         Mieux vaut accepter ce qu’on est, ce qui nous arrive, sans trop rechercher les humiliations, ni se voiler sur ses limites. Comme le dit NPSA :

« On ne te dit pas ‘sois quelque chose de moins que ce que tu es’, mais comprends bien ce que tu es » sans exagérer.

         « Quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » : pour vivre cette vraie humilité, Jésus indique enfin un chemin : aimer sans retour/ sans attendre de  reconnaissance. C’est ce qu’il expose dans la 2ème petite parabole :

« Quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour ».

         Donner sans attendre en retour, c’est probablement un des meilleurs chemins de la vraie humilité, car c’est accepter que les autres ne me doivent rien.

         Donner sans attendre en retour, nous pouvons tous le vivre :

– s’occuper de son voisin qui souffre, alors qu’avant il ne s’occupait pas de moi et après non plus…

– dépanner quelqu’un dont on n’est pas sûr qu’il puisse nous rendre ;

– continuer à aimer ceux qui ne nous manifestent plus d’amour ;

Donner sans attendre de retour, c’est reconnaître qu’on ne mérite pas de reconnaissance/d’amour, c’est une vraie humilité.

         Tout cela est bien beau, mais bien difficile à vivre, apparemment impossible ; c’est Jésus ne se contente pas d’inviter extérieurement à une telle humilité, il en montre lui-même l’exemple, en donnant sa vie pour nous sur la Croix :

– sur la Croix, ce ne sont pas les hommes, c’est Dieu son Père qui le relève de son abaissement ;

– sur la Croix, il ne cherche pas volontairement ce qui lui arrive, mais l’accepte ;

– sur la Croix, il donne sa vie sans rien recevoir en retour, si ne c’est l’abandon et le mépris.

         Tout cela est bien beau, mais bien difficile à vivre, apparemment impossible ; c’est Jésus ne se contente pas d’inviter extérieurement à une telle humilité, il nous en donne la force dans l’eucharistie ; en communiant à l’eucharistie dans quelques instants, nous allons justement être associés à cette croix, pour pouvoir vivre la vraie humilité que Dieu nous demande :

– celle qui nous cherche à plaire à Dieu …et non aux hommes ;

– celle qui nous fait non pas rechercher … mais accepter les abaissements,

– celle qui nous mène à aimer sans attendre de retour ;

– celle qui me permet de parler devant vous ce matin, même si je n’ai rien d’intéressant à vous dire !