Chanoines réguliers de Prémontré
22
Août
La Vierge Marie, Reine
Écrit par F. François-Marie

10 août 2025 – XIXe dimanche du temps ordinaire

Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller.

Quel sens donner à cette veille ?

Deux indices nous permettent de répondre à cette question.

La première lecture tout d’abord, nous donne la direction dans laquelle il faut chercher.

Vous le savez, depuis la réforme liturgique voulue et demandée par l’Eglise, lors du concile Vatican II, cette première lecture est en lien avec l’Evangile, selon une antique tradition heureusement remise en vigueur.

Il s’agit en effet « de bien montrer l’unité de l’un et l’autre Testaments et de l’histoire du salut ». Et précisément, l’extrait du livre de la Sagesse médite d’une très belle manière l’œuvre de la Sagesse divine dans l’histoire du salut. La nuit dont il est question ici, au cours de laquelle il faut veiller, renvoie à celle de la Pâque juive, la nuit de la sortie d’Egypte, « la nuit de la délivrance pascale ».

Un autre indice vient confirmer cette interprétation, une précision que donne Jésus à deux reprises, à propos des serviteurs et du maître lui-même qui servira ses serviteurs : la mention de « la ceinture autour des reins ». Or, dans la nuit pascale, c’est bien ainsi qu’il fallut manger la Pâque, selon Exode 12, 11 : « vous la mangerez votre ceinture autour des reins, vos sandales aux pieds et votre bâton à la main ». La ceinture autour des reins est le signe à la fois du service et de la vigilance, car il faut être prêt à partir, prompt à sortir de l’esclavage d’Egypte, dès que Dieu sera passé.

Pour nous, chrétiens, cette nuit de la sortie d’Egypte préfigurait et annonçait une autre nuit, la nuit de la résurrection du Christ, la nuit au cours de laquelle Jésus est passé de la mort à la vie, entraînant le nouveau peuple de Dieu que nous sommes à sortir à sa suite de nos tombeaux.

Dès lors, quel sens donner à cette veille dont Jésus parle dans les paraboles ?

Il s’agit de comprendre toute l’existence comme une nuit, la sainte nuit de Pâques, dans laquelle, avec le Christ, nous veillons dans la foi. Déjà nous sommes libérés en espérance, mais nous devons grandir dans l’amour, par notre vigilance à écouter de la parole de Dieu, signifiée par l’image des lampes allumées, et par la charité concrète envers les autres, exprimée avec insistance sous le thème du service.

Nous pouvons aller encore plus loin, peut-être, dans la compréhension de la parabole.

Il y est question de la venue du Fils de l’homme. « Fils de l’homme ». De quoi s’agit-il, quel est le sens de cette expression ?

On la trouve 81 fois dans les Evangiles et presque exclusivement sur la bouche de Jésus. Ce titre fait référence au prophète Daniel, qui parle d’un Fils de l’homme, figure transcendante, céleste, qui représente le Royaume de Dieu. Avec d’autres écrits connus du temps de Jésus, les livres d’Enoch et d’Esdras, il est question de la venue du Fils de l’homme dans le monde, qui, telle la Sagesse, n’est pas accueilli, mais qui pourtant vient sauver le monde.

Jésus a vu, dans cette figure du Fils de l’homme, une expression de sa propre destinée et de sa mission, à la fois le salut offert aux hommes, mais aussi l’épreuve de la nuit, de la passion, et enfin le retour en gloire pour juger le monde.

Ainsi, cette parabole de la veille dans la nuit annonce-t-elle aussi la venue du Christ à la fin des temps.

C’est donc bien l’existence toute entière, la nôtre, celle du peuple d’Israël et celle de l’Eglise qui est sous le signe de la nuit de veille. Depuis la nuit de la Pâque, lors de la sortie d’Egypte, jusqu’à la nuit de ce monde où nous vivons dans la foi et la charité nourris par la parole de Dieu et par l’eucharistie et jusqu’à la venue du Christ dans la gloire, dont le retour mettra définitivement fin à la nuit.

Alors que dire, pour conclure ?

Une exhortation à la vigilance bien sûr. Mais si toute notre vie est dans une certaine nuit, alors il faut reconnaître aussi que notre existence à chacun est faite de temps de vigilance et de moments d’endormissement. Nous laissons alors le voleur percer le mur de la maison. Il vole alors et il prend gros, très gros parfois.

Mais la nuit n’est pas finie, nous sommes peut-être dépouillés, mais la vigilance peut reprendre, Dieu nous laisse encore du temps, car c’est notre vie entière qui est sous le signe de la nuit et la vraie richesse, c’est lui !

Oui, cette nuit est un temps d’épreuve, mais elle n’est pas sans étoiles. Nous fêtons aujourd’hui saint Laurent et on parle à son propos de la pluie de la Saint-Laurent, ces étoiles filantes qui traversent la nuit, comme ces flammes qui eurent raisons du corps de saint Laurent mais pas de sa vie véritable.

Regardons en fin de compte cette nuit aussi comme l’œuvre de Dieu. Dieu a créé la nuit, au premier jour de la création. Nous ne sommes pas au-dessus des cieux, au-dessus de la nuit. Nous sommes des êtres humains, limités, c’est ainsi que Dieu nous a voulus ; nous sommes des êtres pécheurs aussi, c’est ainsi que Dieu nous sauve.

Le Christ est le « Fils de l’homme », qui vient chercher chacun de nous, nulle par ailleurs, que dans notre humaine condition, puisque là, il est sûr de nous trouver. Amen !

Fr François-Marie