Session augustinienne pour les frères en formation

L’enseignement était dispensé par Isabelle Bochet, sfx, professeur au Centre Sèvres (Paris), et spécialiste de l’oeuvre de notre Père S. Augustin. Centrant son propos sur le De Spiritu et littera (un ouvrage de 412), elle a pu aborder la théologie de la grâce dans le contexte de la crise pélagienne que S. Augustin, alors évêque d’Hippone, a dû affronter. Parcourant l’oeuvre pas à pas, et l’enrichissant de ses commentaires avisés, Isabelle Bochet a pu mettre en évidence les grands axes qui permettent de distinguer Pélage et Augustin dans leur débat sur la justification.

En effet, pour maintenir le libre-arbitre de l’homme, c’est-à-dire au nom d’une anthropologie haute, qui veut faire la part belle à la liberté humaine, le moine Pélage en était venu à affirmer que l’homme était justifié par son propre mérite. Pour Augustin, une telle position n’était pas tenable : s’il est possible que l’homme soit juste, cela ne peut être qu’avec l’aide de Dieu. Nous pouvons synthétiser leurs divergences dans le tableau suivant :

PÉLAGE

S. AUGUSTIN

La grâce est définitivement donnée, si bien qu’il parle d’une vie sans péché.

Il y a une contemporanéité de la grâce.

En ce sens, la croix du Christ n’est qu’un exemple édifiant pour le chrétien.

Le mystère pascal est la source de la grâce, si bien que nous devons y participer pour recevoir la grâce.

La justification est acquise par la pratique de la Loi.

La justification est progressive et inachevée, qui trouve son achèvement dans la Résurrection.

L’homme est pensé comme émancipé de Dieu, de sorte que le risque d’intellectualisme est patent : Dieu n’a aucun impact sur le vouloir.

L’homme est pensé en relation avec Dieu, de qui il se reçoit.

Dieu est à l’extérieur de l’homme, laissant la voie libre à une solution volontariste et légaliste, dont l’homme est l’unique acteur.

Dieu est à l’intérieur de l’homme, et est pour lui le principe d’un nouveau dynamisme d’action.

C’est donc le rapport entre l’homme et Dieu, ou entre la loi et la grâce, que nous avons tenté de cerner au cours de ces trois jours de formation. Pour notre Père S. Augustin, ce rapport est pensé sous le mode d’une étroite coopération, dans la mesure où « l’Esprit saint a été répandu en nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5, 5). Dès lors, la loi dont S. Paul dit dans l’épître aux Romains qu’elle tue, ne désigne pas tant les préceptes cultuels du judaïsme (Pélage), mais bien plutôt la loi prise pour elle-même, c’est-à-dire la loi sans l’Esprit, qui est condamnable, puisque seul l’Esprit nous rend capables d’accomplir ce que la loi exige de nous (Augustin). Cependant, Augustin relève que cette action de l’Esprit ne fait pas violence à notre libre-arbitre, car elle agit sous le mode de la douceur et du plaisir. En cela, elle nous fait passer de la crainte servile (la peur du châtiment) à la crainte filiale (l’amour du commandement), et nous place clairement à l’écoute du Seigneur.

Il ne fait aucun doute que ces apports intellectuels ont permis de nourrir nombre de discussions et ont ouvert de nombreuses perspectives intellectuelles stimulantes. Ces trois journées à Mondaye ont également (surtout?) été l’occasion d’approfondir notre charisme augustinien, au cœur de notre vocation canoniale. En nous mettant à l’école de notre Père S. Augustin, nous avons cherché à affermir les liens d’amitié qui nous unissent, en vue de nous aider à œuvrer, « d’un seul cœur et d’une seule âme », à l’édification de l’Église.