Chanoines réguliers de Prémontré
29
Mars
Vendredi Saint - In Passione Domini

Retour à Dieu de Soeur Béatrice de Graeve, dernière norbertine de Bonlieu

La révérende Mère Marie-Béatrice De Graeve o.praem.

dernière prieure des Norbertines de Sainte-Anne de Bonlieu

(Gand, 1929 – Bourg-Saint-Andéol, 2021) 

Beatreijs est née à Gand le 7 mai 1929 dans une famille chrétienne nombreuse. Après de bonnes études au collège des sœurs de Saint-Bavon de Gand puis à l’école secondaire Handels de la même ville, elle s’engage plusieurs années dans un Institut séculier (1955-1966), assistante familiale au foyer Saint-Paul de Bruxelles puis à Namur. Sa recherche d’une vie toute donnée au Seigneur est généreuse, mais un peu erratique. Elle commence alors au noviciat des sœurs de la Charité de Jésus et de Marie à Bruxelles, continue au noviciat de l’abbaye cistercienne de Soleilmont (à Fleurus) pour s’achever au monastère des chanoinesses norbertines de Veerle, dans le Brabant anversois, tout à côté de la grande abbaye de Tongerlo. Elle y reçoit l’habit blanc le 11 juillet 1970. Cinq ans plus tard, cependant, rien ne va plus, et sœur Beatreijs quitte Veerle pour le monastère des Norbertines de Bonlieu, dans la Drôme. C’est là qu’elle prononce enfin ses vœux perpétuels le 24 mars 1979, elle va avoir cinquante ans. 

Sœur Béatrice s’est bien adaptée à la langue française, au climat provençal. Moins peut-être à l’ambiance d’après-Concile, dans une communauté dont la vie autrefois strictement cloîtrée s’ouvre désormais largement à la vie pastorale locale. Une certaine instabilité native, une quête spirituelle un peu forcenée, de pieux scrupules et des questions par milliers ne lui facilitent pas la vie : dans les années 80, Sr Béatrice se verrait bien tantôt chez les norbertines de Berg Sion en Suisse, tantôt chez les sœurs de Saint-Charles de Nancy, elle veut aussi partir fonder une communauté de sœurs à Kinshasa. Les supérieurs doivent batailler pour la tenir arrimée à Bonlieu, où sa gentillesse, son dévouement, ses talents artistiques sont pourtant si appréciés. En février 1991, elle écrit : Une parole me vient sans cesse à l’esprit : « tout cela est devenu intenable ». Intenable ? Mais pourtant je constate que je me tiens toujours debout. Et d’où vient cette paix que je ressens à chaque office, à chaque Parole de Dieu ? D’où vient cette envie de remercier Dieu spontanément pour tout ? Pour les quinze années que j’ai pu vivre ici, blottie pour ainsi dire contre Sa présence.  

L’année 1994 voit l’arrivée de frères prémontrés de Mondaye en renfort à Bonlieu, tandis que la petite communauté de sœurs norbertines vieillit et s’amenuise inexorablement. Les dernières années sont pour Sr Béatrice l’occasion de mille petits services à ses sœurs âgées, mille petits sacrifices pour tout ce qu’elle a du mal à comprendre ou à admettre, le tout dans une grande foi. Élue prieure le 18 mai 1989, elle a la joie de participer au chapitre général de l’Ordre, à Rome à l’été 2000. Elle y rencontre des sœurs d’Europe ou d’Amérique, avec qui elle noue des liens très touchants. 

Après le décès de Sr Anne-Marie (2006) et de Sr Marie-Euphémie (2008), sœur Béatrice, restée toute seule au monastère, doit quitter Bonlieu pour un dernier havre : la maison Sainte-Marie de Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) où l’ambiance religieuse et le compagnonnage heureux avec d’autres sœurs âgées lui donneraient presque un avant-goût de Paradis. Elle écrit à l’abbé de Mondaye : Le matin, de ma fenêtre, je regarde couler le Rhône, où se reflète le soleil levant. Elle est pacifiée. Dernier matin : le 25 septembre 2021, sœur Béatrice passe à une vie meilleure. Elle était la dernière sœur norbertine dans notre pays. L’histoire de la restauration de la branche féminine de l’Ordre en France, initiée à Bonlieu en 1871 par Mère Marie de la Croix Odiot de la Paillonne, il y a tout juste 150 ans, prend fin avec elle. 

Orate pro ea.