1er novembre 2025 – Toussaint
La feuille d’automne emportée par le vent, en rondes monotones, tombe en tourbillonnant. On connait la chanson. La fête de la Toussaint revêt toujours un aspect un peu triste et nostalgique. Non que la liturgie de la fête soit terne, bien au contraire, mais ce jour est indissociable de celui de la prière pour les défunts, que l’Église célèbre au lendemain de la Toussaint. Bon nombre de nos contemporains, croyants ou non, pensent à leurs morts aujourd’hui. Et nous aussi, nous avons au cœur et dans l’esprit la mémoire de ceux qui nous ont quittés. Beaucoup vont déposer des chrysanthèmes au cimetière, sur la tombe de leurs proches.
Les entreprises commerciales ne perdent pas le nord non plus, elles en profitent également. J’ai vu qu’il y avait aujourd’hui une porte ouverte dans plusieurs crématorium, dont un, pas très loin d’ici, porte ouverte à 11h, l’heure de la messe de ce jour… pour voir comment ça brûle peut-être, je ne sais pas ! Raison de plus pour que nous autres, chrétiens, sachions donner de l’espérance à ce moment marquant de l’année ! L’apôtre saint Pierre le disait : « Soyez prêt à tout moment…, devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ».
Pourquoi espérer ?
Parce que les saints sont des exemples d’espérance. Les premières béatitudes nous le disent. Heureux les pauvres de cœur, heureux ceux qui pleurent, heureux les doux !
Jésus rappelle, à la suite des prophètes, que les pauvres sont les premiers à avoir part à la bénédiction de Dieu. Ceux qui sont considérés d’ordinaire comme malheureux, parce qu’ils ne sont pas riches, parce qu’ils sont affligés, parce qu’ils ne dominent pas les autres par la force et la violence, ceux-là sont en réalité disponibles pour le Royaume de Dieu. Leur cœur, devenu humble, est ouvert au don de Dieu. Le don de Dieu surpasse toute richesse, il offre une joie que le monde est incapable de donner et ouvre au Royaume de Dieu et à la terre promise. C’est le monde de la charité, de l’amour véritable.
Tout au long de l’Evangile, Jésus souligne cette opposition entre les petits et les grands, les derniers et les premiers, les humbles et les orgueilleux, ceux qui se reconnaissent pécheurs et ceux qui se croient justes aux yeux des hommes. Et la fête de la Toussaint nous apprend qu’il y a des saints parmi ces gens-là, parmi ces pauvres.
Ce sont des hommes et des femmes qui ont particulièrement manifesté la sainteté de Dieu par leur espérance. En effet, à vue humaine, ils ont connu la pauvreté matérielle, ils ont connu l’affliction parce qu’ils ont peut-être vécu des deuils, des maladies lourdes et douloureuses, des échecs, y compris de leur propre faute, à cause de leur propre péché. Mais au cœur même de leur détresse, ils ont espéré dans le don de Dieu qui est plus grand que tout. C’est Dieu lui-même qu’ils ont attendu.
Cette espérance ne se porte pas sur tel ou tel bien terrestre qu’on peut obtenir – ça c’est de l’espoir – mais parfois, même cet espoir leur a été retiré. Alors, ils ont espéré dans ce que Dieu seul peut offrir, qui dépasse toujours notre imaginaire, nos représentations, mais qui est pourtant certain. Ils ont vécu dans la force de l’espérance et ils ont témoigné que la vie de Dieu est plus forte, que sa miséricorde est plus grande que tout, que l’espérance ne peut être déçue.
Pourquoi espérer ?
Un autre motif d’espérance, en cette fête de la Toussaint, tient dans l’affirmation de foi de l’Église qui croit qu’un grand nombre de ses enfants est désormais auprès de Dieu, dans la gloire, dans le bonheur du Ciel. Cette foule des élus n’est pas seulement composée des saints représentés en statues ou sur des tableaux, des saints élevés sur les autels, canonisés par l’Église. Cette foule immense, dont parle le livre de l’Apocalypse, que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues, cette foule nous donne l’espérance de pouvoir, nous aussi, entrer un jour dans le Royaume de Dieu, l’espérance d’avoir part, nous aussi, à la sainteté de Dieu.
Dieu est saint et il nous appelle à la sainteté. Mais Dieu nous donne aussi les moyens de ce à quoi il nous appelle. Il ne confie pas une mission sans offrir le chemin pour l’accomplir, la grâce pour la réaliser. A chacun est donnée la capacité d’aimer. Telle est notre espérance. Et le Christ est pour nous le chemin, la vérité et la vie : le chemin pour aimer, la vérité de l’amour, la vie de la charité.
Ce chemin est celui des béatitudes : avoir faim et soir de la justice, c’est-à-dire de la sainteté, être miséricordieux car nous savons que notre capacité d’aimer est blessée par le péché, avoir un cœur pur, c’est-à-dire qui ne convoite pas les autres et toute chose, mais les reçoit comme un don, être artisan de paix, en nous-même, dans nos familles, nos communautés, dans l’Église et dans notre société, accepter de témoigner de la vérité du Christ y compris dans la persécution. Cette vérité, c’est le mystère de la Croix et du renoncement. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, nous dit Jésus. Et chaque béatitude implique cette sortie de soi en vérité qu’exige l’amour. Trop facilement, nous confondons l’amour avec nos désirs, nos émotions, notre besoin de posséder. L’amour vrai, nous montre Jésus, passe par la Croix et le sacrifice, pour l’autre, pour les autres, pour ceux à qui nous nous sommes donnés.
Oui, j’aime voir dans les feuilles d’automne qui rougissent et qui tombent, l’image du sang versé du Christ qui vient colorer toute chose, ce sang qui continue de nous être offert en chaque eucharistie. C’est le signe du grand élan de vie et de sainteté, où Dieu veut nous faire entrer, un tourbillon de vie éternelle où rien ni personne ne pourra plus nous ravir notre joie. Amen !